Patrick Léon (1943-2018), un œnologue dans le vignoble bordelais
Entretien réalisé de janvier à juin 2017 au château Les Trois Croix (Fronsac) par JM Chevet et JC Hinnewinkel
Patrick Léon fut œnologue "de campagne" à Cadillac (Gironde) puis après un passage chez Alexis Lichine & C°, il fut recruté Directeur général à la société Baron Philippe de Rothschild (1985-2004). Depuis 2006 il avait crée Léon Consulting pour conseiller les vignerons du Monde entier tout en secondant ses fils dans la gestion du châteaux "Les Trois croix" à Fronsac. Ils nous a quitté en 2018, des suites d'une longue maladie.
Ces entretiens avec Patrick Léon ne concernent que ses activités jusqu’en 2004.Il devait nous conter aussi sa passion pour le château Les trois Croix à Fronsac et surtout son activité de consultant à l’international que nous évoquerons grâce aux traces que laissent sur internet ceux qu’il a conseillé. La maladie puis son décès en décembre 2018 ne nous ont pas permis d’achever de faire revivre son formidable parcours.
Comment je suis venu à l’œnologie ?
Né à Caudéran je suis donc Bordelais. A l’époque, en 1943, une personne sur quatre vivait directement ou indirectement de la vigne et du vin. Chacun avait dans sa famille un père, grand-père, cousin, oncle, impliqué dans la vigne ou le vin. Mon père était dans ce cas, pas dans la partie technique mais dans la partie administrative et comptable au sein de la Maison Cordier. Il s’occupait des comptes privés de Monsieur Jean Cordier. J’avais un oncle qui était tonnelier, un Grand Oncle liquoriste. J’ai donc vécu dans un environnement vitivinicole. Tout jeune j’avais le droit d’aller vendanger avec mon père les week-ends. Il me semble me rappeler que mon père percevait alors un demi-salaire correspondant à mon travail de vendangeur quand j’allais travailler, à Château Talbot, Gruaud-Larose. Peut-être que mon orientation vient de là !
Dès 15 ans je me suis très vite orienté vers un métier à vocation agricole. Je voulais devenir paysagiste en préparant le concours de l’école de Versailles. Je suis rentré en fait dans une école d’agriculture. Celle d’Antibes était alors la seule qui proposait la spécialité horticole. Ma mère était furieuse de me voir partir si loin…Mais elle fut quelque part rassurée car elle était fleuriste-décoratrice à Bordeaux où elle avait 3 magasins. J’avais rêvé mon projet, prévoyant de produire des fleurs pour alimenter ses magasins… Avec ce château en Espagne j’ai réussi à convaincre mes parents. Je me suis retrouvé à Antibes. Sur la Côte d’Azur à 16 ans j’ai trouvé un environnement social très différent de celui du Sud-Ouest. Chez nous on travaillait probablement moins que dans le Nord mais …certainement plus que sur la Côte d’Azur ! Dans ma promotion, je me souviens qu’il était plus important de savoir tirer à la pétanque que d’être capable de résoudre une équation mathématique. Cela m’avait choqué. Je n’ai jamais été un bon tireur !Je travaillais plus que mes camarades. Sur toute ma promotion, nous n’avons été que trois à obtenir ce que l’on appelait le bac agricole. Nous formions alors la première promotion du lycée agricole d’Antibes. Fort de ce bon résultat à Antibes, je décidais d’intégrer une classe préparatoire en vue du concours d’entrée dans une école d’ingénieur agricole. Me voici arrivé à Toulouse. J’ai très vite compris que le temps passé à Antibes m’avait éloigné de la possibilité de devenir un jour ingénieur agricole. J’avais trop de décalage dans les matières fondamentales, les mathématiques, la physique, la chimie. Je me suis dit que jamais je ne pourrai y arriver. Que faire en cours d’année d’études dites supérieures ?Je m’étais renseigné et il n’y avait qu’un seul endroit où on me prenait après un trimestre passé en prépa. C’était en œnologie à Bordeaux. Donc je suis revenu à Bordeaux… de nouveau fâché avec mes parents. Ils me reprochaient non pas de mon retour à Bordeaux, mais de ne plus envisager de faire une école d’ingénieurs…..