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1999 Jeux et enjeux territoriaux actuels dans l'est de l'Entre – deux – Mers (Gironde)
Jean-Claude Hinnewinkel, maitre de conférences, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, Jeux et enjeux territoriaux dans l’est de l’Entre-deux-mers, L’Entre-deux-mers et son identité, Actes du septième colloque, CLEM, Bordeaux, pp. 305-314
Dans l'est de l' Entre – deux – Mers comme dans de nombreuses autres contrées françaises, les dynamiques territoriales se sont concrétisées depuis quelques années par l'émergence ou la réaffirmation d'une territorialité aux limites fluctuantes sinon insaisissables. Après avoir cherché quels peuvent en être les fondements géo – historiques, nous analyserons les architectures territoriales en cours puis les aspects les plus perceptibles de cette territorialité. Les stratégies des acteurs politiques, économiques et culturels nous permettront dans une dernière partie d'éclairer l'avenir territorial de cet espace géographique.
1-La réalité géo-historique = un "entre-deux"
Comme le nom l'indique clairement, l'Entre-deux-mers est un "entre-deux". Celui-ci se vérifie aussi bien sur les plans géographique et historique que sur le plan démographique.
L "entre-deux" géographique , c'est celui que constitue ce paysage de plateaux et de collines couverts principalement aujourd'hui de bois et de vignes par opposition aux larges couloirs que sont les vallées de la Garonne et de la Dordogne mais aussi par comparaison avec les paysages landais qui couvrent le Sud et l'Ouest de la Gironde. L'opposition est moins nette avec le Libournais au nord ; surtout dans ses confins orientaux, la continuité des paysages au delà de la limite départementale étant seulement atténuée par une moindre importance de la vigne, encore un peu moins rémunératrice en pays de Duras qu'en Bordelais.
Cet "entre-deux" géographique longitudinal se croise dès l'Antiquité avec un "entre-deux" historique entre Bordelais et Agenais. C'est ce que montre en effet la carte des "anciennes divisions de la Gironde" de C. Jullian avec la civitas basatuim, le pays des Vasates, étiré des rives de la Dordogne au nord jusqu'au Bazadais au sud, entre la civitas biturigum, le Bordelais à l'ouest et la civitas nitiobrigum, l'Agenais à l'Est. L'existence de ce pays intermédiaire est confirmé au Moyen-âge avec, entre le diocèse de Bordeaux et celui d'Agen, un diocèse de Bazas qui épouse à peu près les mêmes limites. La carte des juridictions de l'Entre-deux-Mers bazadais à la fin du XIIIe siècle correspond encore, dans ses grandes lignes, à l'Entre-deux-mers "oriental" ; c'est en majeure partie cet espace que l'on retrouve sous l'appellation "Pays de la Nouvelle conquête", entre Bordelais et "Haut – pays" sur la carte de la Sénéchaussée de Bordeaux . Il s'agit alors d' un espace intermédiaire avec un statut des vins tout aussi intermédiaire car bénéficiant de privilèges notamment fiscaux et d'entrée par rapport aux vins du Haut – Pays tout en étant plus lourdement assujettis que ceux du Bordelais[i].
Enfin ce statut d'espace intermédiaire est confirmé, lors de la période révolutionnaire, par un projet de département que les appétits bordelais et agenais ruineront finalement pour établir la limite départementale actuelle, en rejetant Duras en Lot-et-Garonne[ii]..
Logique géographique longitudinale et logique historique transversale se croisent donc pour définir un espace doublement "entre-deux", l'Entre-deux-mers oriental, appelé aussi "Haut-Entre-deux-Mers", aux caractéristiques socio-démographiques assez bien marquées.
Pour en saisir toute l'originalité, il nous faut replacer ce Haut-Entre-deux-Mers dans l'ensemble de l'Entre-deux-Mers qui fut, au moins à partir du 18e siècle, un véritable réservoir démographique pour l'agglomération bordelaise. Depuis environ un quart de siècle, le mouvement s'est globalement inversé : la périubanisation diffuse sur une distance toujours plus grande des ondes de croissance démographique depuis le cœur de la métropole bordelaise mais aussi depuis les petits centres urbains des vallées et plus rarement autour des petits bourgs des plateaux. Ainsi l'espace Entre-deux-Mers peut aujourd'hui être divisé en 4 ensembles d'inégale extension eu égard à cette redistribution de population. Les cantons de Cenon et de Lormont, sont une banlieue de rive droite de l'agglomération bordelaise ; dans leurs cités en difficulté des Hauts de Garonne, la population diminue lentement entre 1975 et 1990. Les cantons de la presqu'île d'Ambès, de Floirac et de Créon, constituent une seconde auréole, grande banlieue pavillonnaire passant progressivement aux paysages plus ruraux des espaces périurbains ; la population, rajeunie d'un recensement à l'autre depuis 1968, croît de façon continue depuis cette date, même si depuis 1990 un tassement paraît se dessiner. Les cantons de Cadillac au sud, Branne au nord et Targon au centre forment une troisième auréole où la périurbanisation se développe à partir des chefs-lieux de canton ; celle-ci gagne aussi du terrain à proximité des villes fluviales que sont Langon et Libourne, tout en laissant à l'agriculture les plus larges espaces : les groupes importants de néo-ruraux, travaillant en ville n'effacent pas encore le vieux fond de population viticole, du moins en dehors des vallées. Ces trois zones composent ce que nous appelons l'Entre-deux-Mers bordelais. Au delà vers l'est, les cantons orientaux de l'Entre-deux-Mers restent plus largement ruraux même si de timides phénomènes de rurbanisation les affectent localement. Malgré l'arrivée ça et là de nouveaux résidents, la population continue de vieillir et de stagner sinon diminuer d'un recensement à l'autre.
Les cartes les plus récentes de répartition de la population, que ce soit celle des densités en 1999 (fig.1) ou celle des populations communales à la même date (fig.2), toutes confirment la réalité de cet espace intermédiaire entre d'une part les axes densément peuplés que sont les "deux-mers" mais aussi entre l'Entre-deux-Mers bordelais aux densités plus soutenues et les pays du Dropt où elles sont dans l'ensemble plus faibles. Ce constat se retrouve sur la carte des dynamiques démographiques récentes (fig.3) où l'Entre-deux-mers bordelais connaît un essor démographique assez marqué grâce notamment aux phénomènes de périurbanisation, où les pays du Dropt subissent un déclin assez généralisé, alors que le Haut-Entre-deux-Mers associe communes en déclin, communes en stagnation et communes en léger développement.
Autre élément d'appréciation, les polarisations en 1998 (fig.2) mettent en exergue le rôle de trois pôles majeurs autonomes que sont Bordeaux, Bergerac et Marmande, entre lesquels des pôles secondaires paraissent servir de relais, les uns reliés à Bordeaux, directement pour Langon et Libourne, ou indirectement pour Castillon, Ste – Foy, Sauveterre, La Réole . Le canton de Monségur est sous l'influende de La Réole. Celui de Pellegrue est, pour partie au moins, tourné vers les pays de la Dordogne.
Enfin, l'évolution de la distance moyenne aux équipements entre 80 et 98 (source = inventaires communaux de l'INSEE) souligne une certaine détérioration de la situation pour tout l'Est de la Gironde à l'exception des chefs lieux de cantons et de leur voisinage immédiat où s'observe une certaine stagnation. Le même phénomène est noté dans le Sud – Ouest de la Dordogne (Eymet) et dans le Nord – Ouest du Lot – et – Garonne (Duras) quand l'amélioration apparaît générale pour les périphéries de Bordeaux, Bergerac, Marmande.
A l'issue de ce diagnostic géo-historique il nous paraît possible de décomposer l'espace intermédiaire compris entre les trois pôles que sont Marmande au sud-est, Bergerac au nord-ouest et Bordeaux (fig.4). A l'ouest, la zone de métropolisation bordelaise s'étend jusqu'à Langon et Castillon sur les "mers, Targon dans l'Entre-deux". En position limite, Sauveterre mérite une attention particulière. Au nord-ouest, le Bergeracois inclut ou non le pays foyen qui regarde aussi sur le Libournais, lequel intègre tous les pays tournés vers la Dordogne. Au sud-est, le Marmandais paraît aujourd'hui absorber le pays de Duras. Au cœur de ce dispositif, un "pays intermédiaire", appuyé sur la Réole et incluant Monségur, paraît assez nettement se dessiner.
Ce contexte est une toile de fond indispensable pour éclairer les dynamiques territoriales en cours.
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[i]Bernard Larrieu, Vins d'Entre-deux-Mers et privilèges des vins de Bordeaux au 18e siècle, Actes du Premier Colloque tenu en pays de Branne, les 19 et 20 septembre 1987, AHB – CLEM, 1988 p 175 – 197.
- Marie-Claude Jean et Bernard Larrieu, Les perceptions territoriales en Entre-deux-Mers, à la révolution, à travers les réponses des municipalités aux projets concernant la Basse-Guyenne lors de la création des départements, Actes du sixième Colloque tenu à Saint-Macaire les 27 et 28 septembre 1997, Mouvement de Sauvegarde-CLEM, 1998, p.143-162.
[ii] Marie-Claude Jean et Bernard Larrieu, Les perceptions territoriales en Entre-deux-Mers, à la révolution, à travers les réponses des municipalités aux projets concernant la Basse-Guyenne lors de la création des départements, Actes du sixième Colloque tenu à Saint-Macaire les 27 et
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