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Par Hinne le 13 Juin 2022 à 09:44
Sur le patrimoine paysager viticole
Serge Briffaud[1]-Jean-Claude Hinnewinkel[2]
Entretiens Graves-Sauternais du 28-29 septembre 2013 à la Maison des Graves –Podensac
[1] Professeur d’histoire à l’Ecole du Paysage de Bordeaux
[2] Professeur émérite de Géographie à l’Université Bordeaux-Montaigne – CERVINv-ISVV
Intro : Quelques notions incontournables pour y voir plus clair
- Le paysage n’est pas un objet, mais une situation, c’est-à-dire un agencement temporaire, dans l’espace perceptible, d’éléments liés entre eux par un réseau plus ou moins serré d’interrelations. Comprendre un paysage, c’est donc à la fois le réinscrire dans un processus d’évolution — appréhender la nature et la direction d’un changement — et dans un réseau de relations, de nature à la fois — et le plus souvent indissociablement — sociales et écologiques.
- Le paysage n’est pas une réalité séparable de sa perception. Il n’existe que relativement à des regards, qui lui donne sens et valeur. Pour comprendre un paysage, il faut donc aussi se demander qui le regarde, pourquoi, et comment il est perçu. Et partir de l’idée qu’il ne prend son sens qu’à la croisée de regards différents, intégrant une pluralité d’attentes et de référents culturels.
- Parler de « patrimoine paysager » est donc parler d’un patrimoine qui ne peut être assimilé ni à un objet figé, ni à un élément isolé de son contexte, ni même à une réalité complètement objective. Pour cette raison, le paysage secoue le patrimoine et le dépoussière, obligeant à le penser autrement que sur le mode de la délimitation claire et nette introduisant une cassure dans l’espace, de la préservation immobilisante rompant le fil du temps et de la valeur objective et absolue. Protéger un patrimoine paysager, c’est au contraire gérer une relation socio-spatiale, contrôler et parfois infléchir une dynamique, et construire la valeur du paysage en croisant les regards dont il fait l’objet.
- Parler de patrimoine paysager viticole ne devrait donc pas revenir à parler d’une forme ou d’un élément paysager particulier (terrasses, chais et châteaux, etc.), mais d’un ensemble d’artefacts viticoles ayant leur cohérence sociale et technique (formant un tout socio-technique), qu’il convient d’associer aux éléments clés de leur environnement. Le Ciron peut être sans aucun doute considéré comme une composante essentielle du patrimoine viticole du Sauternais, sans être pour autant l’œuvre du vigneron.
- Au paysage viticole, comme à quelques autres paysages (la forêt, la haute montagne...) s’attache le sentiment d’une permanence — l’idée que les choses « ont toujours été ainsi ». Un bref coup d’œil sur le passé des territoires viticoles montre toujours qu’il s’agit là d’une idée fausse.
L'évolution du paysage à Saint-Emilion de 1947 à 2006
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Par Hinne le 16 Janvier 2022 à 10:58
Jean-Claude HINNEWINKEL
Professeur émérite de Géographie, Université Bordeaux Montaigne, CERVIN et chercheur associé à l’ISVV
Article publié dans De la terre à l’usine : des hommes et du droit, Mélanges offerts à Gérard Aubin
Les côtes de Bordeaux à Sainte-Croix-du-Mont
Les paysages viticoles figurent sans aucun doute parmi les paysages les plus emblématiques des sociétés occidentales. Porteurs d’une culture pérenne, ils sont marqués par une grande permanence puisque au-delà de la durée de vie moyenne d’une plantation, la vigne occupe la même place parfois depuis plusieurs millénaires. Certains peuvent y voir la marque de l’excellence des conditions de production, d’autres au contraire l’inaptitude de sols ingrats pour toute autre spéculation agricole aussi rentable. Tous sont obligés de s’accorder sur le rôle prépondérant de l’organisation sociale porteuse de cette activité dans cette belle continuité.
L’empreinte durable dans l’espace d’une activité aux prolongements culturels évidents est, dans l’inconscient des producteurs comme des consommateurs, concrétisation de cet art manifeste qu’est la viticulture. Mais elle est aussi la traduction de la sublimation du vin, et donc des conditions de production : un bon vin doit faire rêver… C’est là que se place le goût du paysage pour celui qui, en buvant du vin, mobilise tous ses sens.
Notre objectif est ici d’appréhender plus en profondeur cette relation « qualitative » entre le paysage viticole et le vin qui en est issu. Celle-ci est d’abord à mettre en relation avec la représentation du paysage portée par les acteurs de la filière comme par les consommateurs. Elle est ensuite directement influencée par l’excellence du projet vitivinicole des promoteurs du terroir concerné. Celui-ci a des incidences notoires sur les caractéristiques du paysage et donc sur le « goût du paysage » pour ceux qui le fréquentent et boivent le vin.
Nous appuierons principalement notre analyse sur l’exemple bordelais qui propose une large palette de dispositifs paysagers, des véritables jardins que sont les parcelles de certains grands crus du Médoc, des Graves ou de Saint-Émilion aux vastes horizons de grande culture viticole que l’on rencontre fréquemment dans l’est de l’Entre-deux-Mers ou dans le nord de la Gironde.
I – Les trois âges du paysage
La prise en compte du paysage par les acteurs territoriaux est déjà ancienne et remonte à plusieurs décennies. Dès les années 1980, le paysage est convoqué en tant que contexte esthétique pour valoriser les nombreux projets de développement qui fleurissent dans les régions rurales. Sa prise en compte a depuis beaucoup évoluée, comme le souligne l’exemple de l’inscription du paysage de Saint-Émilion au titre du patrimoine culturel de l’UNESCO1.
a – Du paysage écrin 2 …
Dans la première mouture du projet d’inscription de Saint-Émilion au patrimoine mondial de l’UNESCO, établie en 1993 par la DIREN Aquitaine et les Bâtiments de France de la Gironde3, le paysage est confiné dans un rôle d’écrin. C’est alors la représentation de la valeur du site portée par les élus, promoteurs du dossier. C’est aussi celle des viticulteurs, acteurs primordiaux de ce paysage et des touristes, consommateurs de celui-ci.
Le paysage viticole est une toile de fond sur laquelle s’expose l’exceptionnalité monumentale de la cité de Saint-Émilion. Il n’est en aucun cas une « entrée » dans la gestion d’un territoire. C’est un décor dans lequel est implantée la cité médiévale de Saint-Émilion qui fait alors l’objet de la demande d’inscription à l’UNESCO (doc. 1).
Doc. 1: Dans le premier projet, en 1993, c’est l’inscription du bourg de Saint-Émilion qui est sollicitée. Le paysage viticole sert uniquement de cadre géographique à la vieille ville d’origine médiévale (cliché auteur).
1 Ph Margot, Le Patrimoine viticole mondial de l’Unesco, II – Juridiction de Saint-Émilion,
http://www.cepdivin.org/articles/phmargot017.html
2 Cette première partie est inspirée de S. Briffaud et J.-C. Hinnewinkel « Paysage viticole, terroir et œnotourisme », Les entretiens de Podensac, à paraître…
3 SDAP DE LA GIRONDE ET DIREN AQUITAINE, Rapport pour l’inscription de l’Ancienne Juridiction de Saint-Émilion sur la liste des paysages culturels du patrimoine mondial, 1993, Archives de la CDC de la Juridiction de Saint-Émilion.
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Par Hinne le 19 Décembre 2021 à 15:28
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