• Les concepts utilisés

    2018 L'invention des terroirs du vin

    2018 Les vins de terroir... Histoire d'un dogme !

    2015 Analyse géographique et géohistoire

    2015 Terroirs et qualité des vins, un lien à l'origine

    2011 Le terroir signature de la viticulture européenne

    2011 Le terroir vitivinicole, un projet sociétal

    2010 Le retour des terroirs

    2008 La signature du territoire

    2008 Le terroir, un système géographique

    2007 L'avenir du terroir

    2005 Formation socio-spatiale

    2004 Du terroir au territoire

    2000 Les usages locaux, loyaux et constants

    1999 Les structures territoriales héritées

    1999 Terroirs et "qualité des vins, quels liens

    1999 Une méthode d'identification territoriale

    1997 Le noyau d'élite "Sainte-Croix-du-Mont (Gironde)

    1995 Intercommunalité et développement durable

  • Le concept de noyau d’élite est dû à un ingénieur agronome, Georges Kuhnholtz-Lordat, l’un des premiers experts mobilisés par l’INAO pour délimiter les aires d’AOC.

    1 - Le noyau d’élite, cœur de ces constructions territoriales

    Pour transmettre son expérience de cette première phase de délimitations, il consigne ses analyses dans un ouvrage paru en 1960[1]. Si la climatologie, la biologie et la géomorphologie occupent les deux tiers de l’ouvrage, une première partie consacrée à quelques principes directeurs propose le concept de noyau d’élite comme outil d’analyse du vignoble.

    Le noyau d’élite est en fait le lieu d’excellence d’une zone de production, là où sont réunies des conditions propices à l’élaboration d’un produit bien caractérisé et généralement de qualité. Il est le modèle, la référence de la production de l’ensemble du vignoble. Les caractéristiques de ce noyau d’élite relèvent tout à la fois de la géographie physique, avec un ou plusieurs types de terroirs agronomiques, et de la géographie sociale avec ses structures agraires, une organisation et une histoire. En soulignant que l’« imbrication du fait juridique et du fait agrologique peut remonter très haut dans le passé des appellations », Georges Kuhnholz-Lordat met en valeur le rôle essentiel de l’histoire dans la formation de tels noyaux d’élites qui, pour les plus stables, sont ainsi élevés au rang de structures profondes des vignobles. Ce noyau d’élite se définit ainsi comme un système géographique d’extension spatiale plus ou moins grande et, au fur et à mesure qu’on s’éloigne de lui, s’observe « un amenuisement centrifuge et progressif de la qualité »[2].

    2 - L’exemple du vignoble de la région des Graves

    La situation du vignoble des Graves au milieu du 19ème siècle permet d’en saisir toute la pertinence[3]. La région des Graves, entre Bordeaux au nord et Langon au sud-est, se caractérise alors par la concentration des vignes dans un pôle bordelais au nord et dans un pôle sauternais au sud ; les deux sont reliés par un entre-deux où les surfaces cultivées en vignes et joualles sont encore importantes. En direction de la forêt landaise, la concentration diminue, ce qui correspond à des périphéries. Cette organisation spatiale d’ensemble est liée à une mise en valeur alors très diversifiée (carte 6).

    Au nord, dans la banlieue bordelaise, de Mérignac à Martillac, les Graves stricto sensu présentent, à cette époque, de vastes secteurs de monoculture plus ou moins enserrés dans la forêt landaise toujours proche. Comme en Médoc, de grands domaines viticoles avec leur réserve de bois et de landes incultes rappellent l’emprise de la bourgeoisie bordelaise. Leurs grandes parcelles sont juxtaposées aux lopins souvent minuscules de centaines de petits viticulteurs, composant un maillage dense. «Les meilleures communes de graves sont : Pessac, Talence, Mérignac, Léognan, Gradignan et Villenave-d’Ornon.[4] ». La valeur fiscale des vignes atteint ici des valeurs records, dépassant souvent 500 francs l’hectare, la part de la valeur des vignes dans la valeur totale des terres cultivées y est supérieure à 50% et peut alors atteindre plus de 95% ; les prix des vins dépassent fréquemment 1000 francs le tonneau et même pour les grands vins 2000 francs.

    En Sauternais, pays qui s’affirme dès la commune de Cérons, la vigne montre des plates-bandes de deux rangs aux ceps bas. Cette conduite de la vigne se rencontre surtout dans les grandes parcelles des domaines de l’aristocratie, nombreux à Sauternes, Bommes ou Fargues, un peu moins à Preignac, Cérons ou Barsac. La forte viticolité[5] du cœur du Sauternais avec Barsac, Preignac et Sauternes éclate alors de façon manifeste : « Nous entrons maintenant dans le pays des vins blancs, et nous sentons de loin le parfum des Sauternes. Les communes qui suivent produisent peu de vin rouge, mais en revanche beaucoup de vins blancs très agréables, pleins de finesse et de parfum, plus ou moins liquoreux, alcooliques et distingués, mais ayant du charme et de l’agrément; ce sont Arbanats et Virelade (dont nous venons de parler), Podensac, Cérons, Illats, Landiras et Pujols. Cette dernière commune renferme un cru très renommé, le Clos-Saint-Robert [6]». Si la valeur fiscale des vignes y est moins élevée que dans les Graves du Nord, dépassant rarement 100 francs par hectare, la part de la valeur des vignes dans l’ensemble des terres y est aussi élevée et les grands vins se commercialisent au niveau des meilleurs rouges du Nord.

    Entre les deux, les Graves centrales, appelées Petites Graves, montrent un paysage assez différent. La tenue même des vignes, qui pourtant sont l’élément essentiel du terroir, est moins soignée et plus hétérogène. Si quelques parcelles montrent ça et là la belle régularité des pièces médocaines, il semble que les joualles constituent le type de culture le plus fréquent. En revanche, les moyennes terrasses proches de la Garonne y offrent une belle concentration très linéaire de sections à forte viticolité tout comme en Langonnais. Cette région des Graves centrales d’aujourd’hui se caractérise alors surtout par une viticulture paysanne dans le cadre d’une polyculture traditionnelle où les pinèdes tiennent souvent une place de choix. A la fin du 19ème siècle, il y a là, un trait peu favorable à une évolution qualitative de la production, d’abord par manque de moyens financiers suffisants mais aussi sans doute faute de motivation économique, la sylviculture du pin étant d’un bon rapport économique dans une région traversée par la voie ferrée qui permet d’expédier vers le port de Bordeaux les troncs de bois dans de bonnes conditions. On retrouve ici ces concours de circonstances historiques qui combinent les héritages et les valeurs économiques du moment. L’entre deux trouvait dans la culture du pin une compensation à son maintien partiel à l’écart des grands développements viticoles lors de l’expansion du vignoble bordelais aux temps modernes alors que Graves du nord et Graves méridionales continuaient sur leur lancée. Dans ces Graves centrales, « Les cépages les plus répandus sont le Merlot et le Malbec, qui composent, avec quelques pieds de Vidures, tous les meilleurs vignobles des petites graves. On trouve encore dans les crûs inférieurs d’autres cépages produisant beaucoup de vin, mais de qualité très ordinaire ; ce sont le Hourççat ou Balouzat, la Parde, le Mercier ou Larrivet, le Girançon, etc… Les vignes blanches qu’on trouve dans les petites graves avant d’arriver à Arbanats et Virelade sont presque entièrement composées d’un seul cépage l’Enrageat. Les communes dont nous allons parler dans ce chapitre sont Bègles, Cadaujac, Isle-Saint-Georges, Martillac, Saint-Médard-d’Eyrans, Ayguemortes, Beautiran, Castres, Portets, Saint-Selve, Saint-Morillon, La Brède, Cabanac, Cestas, Arbanats, Virelade. La plupart de ces communes font dans leurs graves d’assez bons vins rouges d’ordinaire, et des vins blancs secondaires. Celles … situées sur les bords du fleuve produisent des vins de palus assez recherchés, qui sont quelquefois réunis aux vins de graves par les petits propriétaires »[7]La valeur cadastrale des vignes (carte7), la part de la valeur des vignes dans la valeur totale des terres exploitées (carte 8) et le prix des vins (carte 9) sont tous à des niveaux inférieurs à ceux des deux pôles. Les meilleurs vins se négociaient entre 400 et 500 francs le tonneau. Surtout, on constate que les rouges les plus cotés relèvent des communes proches des Graves du Nord et que pour les blancs, hors Carbonnieux, c’était la proximité du Sauternais qui génère des prix plus confortables.

    La synthèse des informations précédentes souligne donc des hiérarchies viticoles bien établies avec les deux noyaux Graves et Grands blancs. Mais ce sont surtout les Petites Graves qui retiennent notre attention car c’est là que la viticulture évolue le plus vite autour de ferments que sont quelques châteaux performants. Dans cet entre-deux, les savoir-faire des deux noyaux d’élite se télescopent, générant un nouveau territoire où cohabitent, sur le même terroir, vins rouges et vins blancs de qualité. Et au-delà, dans des périphéries peu viticoles, des agriculteurs s’intéressent de plus en plus à la vigne, annonçant là aussi des mutations. La recherche des noyaux d’élite s’avère ainsi un puissant outil pour non seulement décrire l’état du vignoble observé, mais aussi pour en saisir les dynamiques.

    C’est en partie sur des observations similaires que s’appuient, au début du XXème siècle, les commissions chargées de proposer les délimitations les appellations sous-régionales du vignoble (carte 10).

    Carte 10 Les terroirs viticoles girondins vus par les enquêteurs des Editions Féret au 19ème siècle

    [1] G. Kuhnholtz-Lordat, La genèse des appellations d’origine des vins, Chaintré, Avenir œnologique, 1991, réédition de l’édition de 1960

    [2]G. Kuhnholtz-Lordat, idem

    [3] J.-C. Hinnewinkel, Les territoires viticoles de la région des Graves au milieu du 19ème siècle, in CERVIN, Les territoires de la vigne et du vin, Bordeaux, Féret, 2002.

    [4] Bordeaux et ses vins, Féret, 1868

    [5] Viticolité = part de la vigne dans la surface agricole utilisée

    [6] Bordeaux et ses vins, 1868, idem

    [7] idem


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  • Terroirs et qualité des vins, un lien à l’origine.

    Mais quelle origine ?

     

    Résumé

    Si pour un terroir viticole le potentiel naturel est un incontestable atout du succès des vins qu'il porte, le capital social et l'esprit d'entreprise conjugué avec un certain leadership technologique sont au cœur de ses avantages concurrentiels par rapport à ses concurrents directs que sont les autres terroirs.

     

    Introduction

                    Pour beaucoup de consommateurs, d’amateurs, un vin de qualité est  aujourd'hui un vin de terroir, ce qui implique pour le produit un lien au lieu. Mais de quel lieu s'agit-il ? Ce lieu de qualité est-il :

    • un lieu naturel comme l'est un site viticole ? (1ère partie)
    • un lieu approprié comme l'est un terroir ? (2ème partie)
    • un lieu d’excellence comme peut l'être un noyau d’élite viticole ? (3ème partie)

     

                    Les premiers écrits des temps modernes sur la vigne et le vin, à savoir Olivier de Serres (1600) puis Nicolas Bidet (1759) mettent nettement l'accent sur le lieu naturel. Le premier lui accorde un rôle essentiel dans l'agronomie de son temps. « Le fondement de l’agriculture est la connaissance du naturel des terroirs que nous voulons cultiver... » est la première phrase du premier chapitre de la première partie de son traité d'agriculture. Dans celui-ci le mot terroir revient souvent mais il n'est pas toujours aisé de lui donner un sens très différent de terre ou terrain.

                    Un siècle et demi plus tard, Nicolas Bidet paraît plus explicite :

    « Un Propriétaire qui a ſes Vignes diviſées en pluſieurs piéces,& répandues dans différens cantons d'un terroir pourroit & feroit bien de vendanger le matin juſqu'à onze heures celles expoſées au Levant & au Nord depuis onze heures juſqu'à trois, celles expoſées au Midi »[1] puis « la différente qualité de ces vins, conformément à la différente qualité des terroirs de ces vignobles »[2].

    Le lien au lieu « naturel » est donc dès cette époque affirmé dans ce qui un des premiers manuels de vitiviniculture. Il n'a fait que s'affirmer par la suite.

    Pour lire la suite  Télécharger « 2015 Terroirs et qualité des vins.pdf »


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  • Communication au colloque sur le développement local organisé par l’Association des Géographes français en octobre 1995 à Liège (Belgique) Jean-Claude Hinnewinkel, professeur agrégé (PRAG), CERVIN, Institut de Géographie Louis Papy, Université Bordeaux3

     

    Télécharger « 95 Intercommunalité et dvt loca2l.pdf »


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  • Jean-Claude Hinnewinkel,

    Professeur émérite de Géographie, Université de Bordeaux, UMR ADES/CERVIN et Institut des Sciences de la Vigne et du Vin

    Article publié dans Historiens & Géographes, n°404, 2008, p. 69-78

     

    Résumé : Dans le monde du vin, le terroir est le plus souvent mobilisé dans une seule de ses dimensions, celle de site agronomique. Pourtant, l’origine même du mot rappelle toute la complexité de ce concept géographique aujourd’hui très porteur dans l’ensemble du domaine agro-alimentaire. Notre objectif est donc de mettre en valeur ici ce qui fait la force, et donc la pertinence, de ce concept dans la mondialisation : le terroir est un système géographique, donc complexe. Pour le comprendre et donc le gérer, il est impératif d’en mobiliser toutes les composantes, la physique avec le site agronomique mais aussi la culturelle avec le paysage et surtout la sociale avec le réseau d’acteurs. Ainsi compris le terroir viticole devient un projet de développement durable d’un territoire producteur de vins de qualité.

    Introduction: Le terroir vitivinicole

    La notoriété d’un vignoble et de ses vins repose essentiellement  sur trois piliers: son terroir, son histoire et la vigueur du ou des marchés qu’il domine. Dans cette trilogie, terroir est un concept agronomique, celui créé par les experts et ingénieurs de l’INAO au lendemain de la seconde guerre mondiale pour donner à leurs délimitations une valeur scientifique qui les rende incontestables.

    Pourtant depuis quelques années et notamment depuis 1992, date de l’entrée en scène au sein de l’INAO des autres productions agro-alimentaires, les cadres de l’Institut ont explosé et il a fallut revoir le concept pour l’adapter. Des études scientifiques en Sciences humaines et sociales furent de plus en plus nombreuses à mettre l’accent sur la dimension culturelle des produits du terroir[1]. Les analyses les plus récentes des vignobles comportent souvent un important chapitre de géographie culturelle[2].

    Mais, une fois encore, si tous ces travaux concrétisent un élargissement du concept terroir par rapport à sa seule dimension agronomique, nous sommes encore éloignés de la prise en compte de toutes les composantes de ce système géographique qu’est le terroir. La complexité inhérente à tout système géographique nous parait encore écornée. C’est du moins ce que nous proposons de démontrer ici en démontant le système terroir vitivinicole pour souligner que si le terroir est à l’interface de « nature et culture », il est aussi foncièrement « social »

     

    [1] Laurence Bérard et Philippe Marchenay, Les produits du terroir – entre nature et  culture, Paris, Editions du CNRS, 2004, 225 P.

    [2] Citons tout particulièrement Jacques Maby, Côtes du Rhône et costières gardoises, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1994 ; Michel Réjalot, Le vignoble bordelais, un modèle dans la tourmente, Bordeaux, Université Michel de Montaigne, 2004.

    Pour lire le développement de cet article :

    Télécharger « 2008 HG Les terroirs vitivinicoles_Partie1.pdf »

    Télécharger « 2008 HG Les terroirs vitivinicoles_Partie2.pdf »

    Télécharger « 2008 HG Les terroirs vitivinicoles_Partie3.pdf »


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  • Résumé : Dans les vignobles d’AOC du nord de l'Aquitaine (Bergerac, Bordeaux, Buzet, Côtes du Marmandais et Duras), les vins, vins de châteaux ou vins de marque, issus de parcelles hétérogènes et résultat d'un assemblage de plusieurs cépages, entretiennent des liens très ambigus avec les terroirs. Les aires d'AOC correspondent le plus souvent à des territoires aux terroirs multiples et dont la géographie relève davantage de considérations sociales (« les us et coutumes ») mais aussi des structures syndicales existantes au début du xxe siècle) que d'une géographie naturelle. Dans ces conditions, les liens entre la "qualité" des vins et les territoires viticoles, s'ils n'excluent pas les spécificités des terroirs concernés, sont surtout tributaires des décisions sociales (INAO, syndicats…) et de l'encadrement technique de plus en plus marqué de la profession.

    Mots – clés : Appellation contrôlée, qualité, terroir, territoire, vin

    Pour lire l'article : https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_1999_num_6_1_2714 

     


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