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2001 Quel(s) bordeaux au 3ème millénaire ?
Entre tradition et innovation, entre spéculation et plaisir,
Quel(s) bordeaux au 3ème millénaire ?
Jean-Claude Hinnewinkel[1], Entre tradition et innovation, entre spéculation et plaisir, quel(s) bordeaux au 3ème millénaire ? Communication au deuxième colloque de l’Association Internationale de la Vigne et du Vin, Porto septembre 2001, publié in Estudos & Documentos, Porto, 2002.
« Bordeaux paradoxe »[2] : alors que les prix de vente des grands crus bordelais en primeur pour le millésime 2000 flambent, « ce sont les petits qui trinquent ». Pour les quelques 300 crus qui comptent aujourd’hui sur le marché, c’est en effet l’euphorie avec des hausses pouvant atteindre plus 30%. Par contre « ceux qui passent par les négociants, vendent 900 litres de blanc à 2000 francs et le rouge entre 6000 et 6200 francs, ils ont toutes les peines du monde à rentrer dans leurs frais… Pour les bordeaux de base de bonne qualité à 7 ou 8 francs la bouteille, c’est vraiment très dur face à des noms qui vendent entre 300 et 800 francs leur 75 centilitres»[3]
Cette situation n’est pas vraiment nouvelle en Bordelais, même si les écarts n’ont sans doute jamais été aussi grands, et posent de manière de plus en plus forte la question de la gestion du vignoble bordelais au moment où tous les vignobles du Monde mettent en exergue la qualité. Certes la vogue des produits du terroir permet aux vignobles traditionnels d’Europe occidentale de valoriser encore leur rente de situation mais dans des conditions de plus en plus délicates pour les vins de la gamme intermédiaire que sont les produits génériques comme les bordeaux. Il faut alors mettre en avant la tradition quand la vinification est de plus en plus happée par une technologie, jugée par certains trop envahissante. Surgissent alors les querelles entre anciens et modernes dont Bordeaux, comme bien d’autres, est aujourd’hui le théâtre avec les « extractions extrêmes » et les vins « trop boisés » par exemple.
Il n’est pas de notre compétence de géographe d’entrer dans la discussion actuelle sur le goût du bordeaux ; les œnologues le font avec une argumentation technique que nous ne maîtrisons pas et les critiques avec un vocabulaire imagé que nous ne saurions reprendre avec pertinence. Entre traditions et innovations se pose pour nous le problème de la qualification du vin sur le marché mondial. Ce n’est pas nouveau. Comment Bordeaux l’a-t-il géré dans le passé ? Comment Bordeaux l’aborde-t-il aujourd’hui ? C’est ce que nous nous proposons d’envisager ici.Dans une première partie nous verrons qu’il a considérablement évolué depuis le « claret » cher aux rois anglais. Tradition apparaît donc aussi synonyme de d’évolution.
Dans une seconde partie, nous constaterons qu’aujourd’hui il est plutôt rouge, mais avec une gamme extraordinairement variée pour ne pas dire complexe même aux yeux de connaisseurs, alliant le meilleur et peut-être le moins bon (je n’ose dire le pire !)
De cette complexité ressort la perplexité de bien des consommateurs et les difficultés de gestion d’un ensemble hétérogène. Quelles doivent être alors les caractéristiques de ses vins pour permettre au Bordelais de conserver son rang de premier vignoble de vins de qualité du Monde, pour lui permettre de conserver une personnalité, une originalité que beaucoup lui contestent et que les investissements scientifiques et financiers bordelais dans le Monde tendent à réduire ? C’est ce que nous aborderons dans notre troisième partie
[1] MCF de Géographie rurale, Université Bordeaux 3, Cervin
[2] Sud-Ouest Dimanche du 10 juin 2001
[3] Sud-Ouest Dimanche du 10 juin 2001
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