• 2013 Le « bon goût » du paysage

    Jean-Claude HINNEWINKEL

    Professeur émérite de Géographie, Université Bordeaux Montaigne, CERVIN  et chercheur associé à l’ISVV
    Article publié dans De la terre à l’usine : des hommes et du droit, Mélanges offerts à Gérard Aubin

    2013 Le « bon goût » du paysage

    Les côtes de Bordeaux à Sainte-Croix-du-Mont

     

    Les paysages viticoles figurent sans aucun doute parmi les paysages les plus emblématiques des sociétés occidentales. Porteurs d’une culture pérenne, ils sont marqués par une grande permanence puisque au-delà de la durée de vie moyenne d’une plantation, la vigne occupe la même place parfois depuis plusieurs millénaires. Certains peuvent y voir la marque de l’excellence des conditions de production, d’autres au contraire l’inaptitude de sols ingrats pour toute autre spéculation agri­cole aussi rentable. Tous sont obligés de s’accorder sur le rôle prépon­dérant de l’organisation sociale porteuse de cette activité dans cette belle continuité.

    L’empreinte durable dans l’espace d’une activité aux prolongements culturels évidents est, dans l’inconscient des producteurs comme des consommateurs, concrétisation de cet art manifeste qu’est la viticulture. Mais elle est aussi la traduction de la sublimation du vin, et donc des conditions de production : un bon vin doit faire rêver… C’est là que se place le goût du paysage pour celui qui, en buvant du vin, mobilise tous ses sens.

    Notre objectif est ici d’appréhender plus en profondeur cette relation « qualitative » entre le paysage viticole et le vin qui en est issu. Celle-ci est d’abord à mettre en relation avec la représentation du paysage portée par les acteurs de la filière comme par les consommateurs. Elle est ensuite directement influencée par l’excellence du projet vitivinicole des promoteurs du terroir concerné. Celui-ci a des incidences notoires sur les caractéristiques du paysage et donc sur le « goût du paysage » pour ceux qui le fréquentent et boivent le vin.

    Nous appuierons principalement notre analyse sur l’exemple borde­lais qui propose une large palette de dispositifs paysagers, des véritables jardins que sont les parcelles de certains grands crus du Médoc, des Graves ou de Saint-Émilion aux vastes horizons de grande culture viti­cole que l’on rencontre fréquemment dans l’est de l’Entre-deux-Mers ou dans le nord de la Gironde.

    I – Les trois âges du paysage  

    La prise en compte du paysage par les acteurs territoriaux est déjà ancienne et remonte à plusieurs décennies. Dès les années 1980, le paysage est convoqué en tant que contexte esthétique pour valoriser les nombreux projets de développement qui fleurissent dans les régions rurales. Sa prise en compte a depuis beaucoup évoluée, comme le souligne l’exemple de l’inscription du paysage de Saint-Émilion au titre du patrimoine culturel de l’UNESCO1.

    a – Du paysage écrin 2  

    Dans la première mouture du projet d’inscription de Saint-Émilion au patrimoine mondial de l’UNESCO, établie en 1993 par la DIREN Aquitaine et les Bâtiments de France de la Gironde3, le paysage est confiné dans un rôle d’écrin. C’est alors la représentation de la valeur du site portée par les élus, promoteurs du dossier. C’est aussi celle des viticulteurs, acteurs primordiaux de ce paysage et des touristes, consom­mateurs de celui-ci.

    Le paysage viticole est une toile de fond sur laquelle s’expose l’excep­tionnalité monumentale de la cité de Saint-Émilion. Il n’est en aucun cas une « entrée » dans la gestion d’un territoire. C’est un décor dans lequel est implantée la cité médiévale de Saint-Émilion qui fait alors l’objet de la demande d’inscription à l’UNESCO (doc. 1).

    Doc. 1: Dans le premier projet, en 1993, c’est l’inscription du bourg de Saint-Émilion qui est sollicitée. Le paysage viticole sert uniquement de cadre géographique à la vieille ville d’origine médiévale (cliché auteur).

    2013 Le « bon goût » du paysage


     1 Ph Margot, Le Patrimoine viticole mondial de l’Unesco, II – Juridiction de Saint-Émilion,

    http://www.cepdivin.org/articles/phmargot017.html

    2 Cette première partie est inspirée de S. Briffaud et J.-C. Hinnewinkel « Paysage viticole, terroir et œnotourisme », Les entretiens de Podensac, à paraître…

    3 SDAP DE LA GIRONDE ET DIREN AQUITAINE, Rapport pour l’inscription de l’Ancienne Juridiction de Saint-Émilion sur la liste des paysages culturels du patrimoine mondial, 1993, Archives de la CDC de la Juridiction de Saint-Émilion.

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