• 2019 Jean-Michel Cazes (1936-…), capitaine d’industrie viticole

    2019 Jean-Michel Cazes (1936-…), capitaine d’industrie viticole

    Jean-Michel Cazes (1936-2023), capitaine d’industrie viticole

    Entretien effectué par le CERVIN avec JM CAZES le 19 janvier 2019

    Jean-Michel Cazes a reçu le CERVIN en janvier 2019 pour un entretien unique, l’explosion de l’épidémie du Covid contrariant ensuite nos projets de poursuite. C’est donc lors de cette unique séance qu’il a fait part à Jean-Michel Chevet (historien) et Jean-Claude Hinnewinkel (géohistorien) des exceptionnels enseignements de sa grande expérience à la tête des Domaines Jean-Michel Cazes de 1973 à 2007. Il avait alors 83 ans.

    2019 Jean-Michel Cazes (1936-…), capitaine d’industrie viticole

     

    Cervin : Les Domaines Cazes, ce sont aujourd’hui  le Château Lynch-Bages à Pauillac (100ha), Les Ormes de Pez à St Estèphe (40ha), Villa Bel Air dans les Graves (46ha), L’Ostal Cazes, près de Carcassonne, dans le midi (65ha de vignes plus 25ha d’oliviers) mais aussi le Domaine des Sénéchaux à Châteauneuf-du-Pape (27ha). Vous produisez un vin nommé « Xisto » au Portugal et « Tapanappa » en Australie avec un associé. Enfin vous avez développé des « marques » : Michel Lynch pour Bordeaux, et la gamme Circus pour le Languedoc. Quelles est la genèse des Domaines Jean-Michel Cazes? 

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    Jean-Michel Cazes : Mon arrière-grand-père « Lou Janou » était un ouvrier agricole saisonnier ariégeois venu en Médoc à la fin du 19e siècle pour effectuer des travaux agricoles. Les « Montagnols » comme on les appelait, étaient spécialistes du défonçage des sols avant plantation. On les mit notamment beaucoup à contribution vers 1870 puis plus tard lors du  phylloxera. Il y avait des hordes de Montagnols qui débarquaient en Médoc tous les hivers, lâchant leurs chèvres dans les montagnes au printemps. A partir de 1875, lassé par ces aller-retour – ils venaient la plupart du temps à pied depuis l’Ariège - mon grand-père s’est fixé à Saint-Lambert, à côté d’ici.

    Là, pendant quelques années il a joué un peu le rôle de chef d’équipe, comme aujourd’hui les Portugais qui recrutent des vendangeurs dans le nord du Portugal ; lui recrutait des ouvriers saisonniers dans l’Ariège. Il les logeait chez lui ; ils étaient 10 ou 12 à habiter ainsi pendant la saison. Quand il a cessé son activité, il a fait son jardin où il cultivait des légumes vendus ensuite au marché. C’est ainsi que démarra l’histoire viticole  de la famille.

    Mon grand-père Jean-Charles, premier de la famille qui soit né à Pauillac, partit au service militaire à 18 ans, ayant devancé l’appel. A son retour il s’est employé comme ouvrier boulanger, épousant ensuite la fille de son patron et reprenant l’affaire à la mort de celui-ci. Il fut boulanger à Pauillac jusqu’à la guerre de 1914-1918 où il a été mobilisé. Comme il avait effectué des périodes militaires, il est revenu capitaine d’infanterie, ce qui n’était pas mal. A son retour, Il a repris son métier de boulanger jusqu’au jour où sa boulangerie a brulé. Il s’est retrouvé sans métier. Dans cette période de crise des années 20, beaucoup de propriétés du Médoc survivaient très difficilement, souvent avec des propriétaires absents. Comme il avait de bonnes bases paysannes, et grâce à l’amitié d’un banquier local de Pauillac, Monsieur Marcel Alibert, il s’est occupé, comme homme d’affaires, pour le compte de ce banquier de propriétés délaissées par leur propriétaire. C’est ainsi qu’il a pris pied dans sur Les Ormes de Pez. Il s’est occupé aussi d’une propriété à Margaux qui est devenue le Relais de Margaux ; je l’y accompagnais parfois quand j’étais gosse. Le domaine de l’Ile Vincent, situé dans les bas-fonds, gelait souvent. Après la seconde guerre mondiale, suite à une gelée sévère, mon grand-père a convaincu le propriétaire de ne pas replanter. En 1933, à la demande du général de Vial, il prit Lynch Bages en fermage dans des conditions très favorables, s’étant engagé à garder la propriété en production sans demander d’argent au propriétaire. C’est dire si la situation était catastrophique. En 33, 34, 35 il a survécu. Il a réussi à sauver l’exploitation et le général a mis Lynch Bages en vente pendant deux ans je crois sans trouver d’acheteur. Finalement il s’en est débarrassé en vendant en 1939 à mon grand-père qui en proposait un prix faible.  

    Mon père, André eut une histoire très différente mais a lui aussi exercé une influence déterminante sur le vignoble qu’il a régénère et agrandit. Il fut le premier à promouvoir les vins à l’international. Ses deux frères ainés nés à Pauillac avaient intégré  l’Ecole polytechnique après de brillantes études. Ce n’était pas mal pour des enfants de boulanger de campagne. Mon père devait suivre le même chemin et en 1931 il intégra le lycée Louis Le Grand à Paris pour préparer lui aussi Polytechnique. Malheureusement il contracta une pleurésie tuberculeuse et fut rapatrié sanitaire juste avant les concours. Il est resté à Pauillac pendant près de deux ans. En 1933, il reprit ses études et, ne pouvant suivre la voie des concours, se mit à faire du droit. Il s’est marié, je suis né en 1936, ma sœur en 1934. Il a été convoqué au service militaire puis partit à la guerre où il fut fait prisonnier. Il s’est retrouvé en 1945, de retour d’Allemagne, sans jamais avoir travaillé. A trente-trois ans il prit une autre voie. Avant la guerre mon grand-père s’était mis à proposer des polices d’assurances. Il cherchait à diversifier ses revenus et comme il avait tout perdu dans l’incendie de la boulangerie, n’étant pas assuré, il avait compris que s’assurer était utile. Il se mit donc à vendre des assurances pour le compte d’une compagnie, La Providence. En 1945 mon père avait le choix entre travailler avec son père sur les propriétés dont il s’occupait et l’assurance. Comme mon grand-père avait un caractère qui n’était pas simple, ils ont préféré mettre une frontière entre leurs activités. Mon grand-père s’est occupé de la vigne et mon père a pris en charge l’assurance. Donc en 1945 mon grand-père gérait Lynch-Bages ainsi que les Ormes de Pez achetée en 1941et il s’occupait de propriétés ici ou là. Mon père s’est jeté à corps perdu dans l’assurance et a monté à Pauillac un cabinet d’assurance qui est vite devenu très important. Il ne s’est jamais occupé du vignoble mais en revanche il est devenu maire de Pauillac et a eu un rôle important dans la création de la commanderie du Bontemps et des organismes professionnels autour du vin alors que mon grand-père ne s’intéressait qu’à la  partie technique, s’occupant peu du marketing et de la structuration des organisations professionnelles. Mon grand-père travaillait avec le négoce comme la plupart des propriétaires de l’époque. Voilà comment sont partis les domaines JM Cazes.

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    2019 Jean-Michel Cazes (1936-…), capitaine d’industrie viticole

    Le vieux cuvier gravitaire de 1866 encore en service à l’arrivée de JM Cazes (blog de JMCazes)

    Pour lire la suite de l'entretien Télécharger « 2019 JM CAZES capitaine d'industrie vinicole.pdf »


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