• 2022 Le Sauternais, grandeur et déclin d'un noyau d'élite

     

     

    Jean-Claude Hinnewinkel, professeur honoraire de Géographie, Université Bordeaux Montaigne, CERVIN  et chercheur associé à l’ISVV

    Communication présentée au 17e colloque «L’Entre-deux-mers et son identité » tenu à Rions, Sainte-Croix-du-Mont et Cadillac, les 25, 26 et 27 octobre 2019 et publiée dans Les mutations de la société rurale du Cadillacais et du Podensacais, CLEM, 2021

    2022 Le Sauternais, grandeur et déclin d'un noyau d'élite

     

    Doc 1 : Les noyaux viticoles identifiés au 17e siècle en Bordelais : d’après la taxation de 1647, les hiérarchies s’établissent à partir des trois pôles que sont le Médoc, Les Graves de Bordeaux et le Sauternais.

    Introduction : LE NOYAU D’ELITE, CŒUR DES CONSTRUCTIONS TERRITORIALES QUE SONT LES VIGNOBLES

    2022 Le Sauternais, grandeur et déclin d'un noyau d'élite

     

    Doc 2 : L’ouvrage de Kunholtz-Lordat paru en 1960 

    Le concept de noyau d’élite est dû à un ingénieur agronome, Georges Kuhnholtz-Lordat,[1] l’un des premiers experts mobilisés par l’INAO pour délimiter les aires d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) à partir de 1936. En 1960, il définit celui-ci comme « le lieu d’excellence d’une zone de production, là où sont réunies des conditions propices à l’élaboration d’un  produit bien caractérisé et généralement de qualité. » Pour Georges Kuhnholtz-Lordat « au fur et à mesure qu’on s’éloigne du noyau d’élite, on s’observe un amenuisement centrifuge et progressif de la qualité » déterminant ainsi un espace géographique correspondant à l’appellation dérivée du nom de ce noyau. Le noyau d’élite apparaît donc comme un des niveaux de lectures du terroir viticole, entre le cru et le vignoble.

    En Bordelais la première reconstitution possible de l’existence de ces noyaux d’élite est rendue possible par la taxation des vins du Bordelais de 1647. Dans celle-ci, réalisée fin octobre en présence de marchands flamands et anglais trois pôles viticoles majeurs apparaissent dans la sénéchaussée de Bordeaux. C’est dans une certaine mesure le premier « classement » des vins du Bordelais connu établi à la demande de la Jurade de Bordeaux, afin de fixer les minima et maxima pour la production de l'année. Cette mercuriale est en fait une liste parmi d'autres, la plus ancienne conservée dans les archives.

     

    1 – En Sud Gironde, naissance d’un noyau d’élite de vins blancs dès le 17ème siècle

     

    La culture de la vigne est attestée En Sud-Gironde, dès le Moyen Âge, même si elle reste secondaire.[2] Mais c’est dans la seconde moitié du XVIe siècle que sur les deux rives de la Garonne, en pays cadillacais comme dans l’actuel Sauternais, s’affirme progressivement une vocation viticole.

    L’essor de la culture de la vigne au 17e siècle

    Pendant le Moyen Âge aucune mention de cépage n’apparaît dans les actes notariés.

    « En revanche, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, ces mentions se multiplient dans les Graves du Sud et surtout dans le Sauternais où l’encépagement s’est fait principalement en blanc. Dans le cas particulier de Preignac, jamais le type de cépage, ni même le terme de vigne blanche n’apparaît dans les actes fonciers. Par contre, dès les années 1560-1570, la majeure partie des obligations, des rentes ou des redevances porte sur des vins blancs. Comme dans le reste du Sauternais, Preignac a donc fait le pari du blanc. Sur l’autre rive, la diversité de productions reste toujours de mise ; néanmoins, là encore le vin blanc semble progresser »[3].

    Les informations manquent pour qualifier ce vin blanc et « En Sauternais, comme à Sainte-Croix-du-Mont, jusqu’à l’apparition des premières vendanges tardives, rien n’atteste qu’il soit doux »[4]. Selon Sandrine Lavaud les premiers indices sont perceptibles à Sainte-Croix-du-Mont dès la décennie 1630-1640. En Sauternais la première mention qu’elle signale date de 1657 à Barsac. Cette pratique va alors se développer sur les deux rives, point de départ d’un noyau d’élite de vins blancs doux, tel que le décrira trois siècles plus tard Kunholtz-Lordat et que consacra au milieu du 17e siècle la taxation de 1647 (doc 4)

    La taxation de 1647

    Dans ce cluster viticole le noyau d’excellence est constitué de Barsac, Fargues, Preignac et Pujols où les valeurs peuvent atteindre 100 livres comme en Médoc (doc 4). Autour de lui,  une diffusion centrifuge de la notoriété des vins place en second rang « Langon – Bommes – Sauternes » (35 livres) puis à égalité  Cérons- Podensac toujours en terres des Graves mais aussi Saint-Macaire et Sainte-Croix-du-Mont qui affichent une valeur maximale de 30 livres, donc très proche de Sauternes. Viennent ensuite, toujours en rive droite Cadillac et Rions (28 livres). A la périphérie se situent Les Bénauges.  

     

    2022 Le Sauternais, grandeur et déclin d'un noyau d'élite

    Doc 4 La taxation de 1647

     

    Les vins blancs ici concernés correspondent aux doux recherchés par les marchands hollandais, ces derniers étant particulièrement prisés sur les marchés du Nord de l’Europe. Ils sont issus des premières vendanges tardives telles que les évoque dans son journal le chanoine de Cadillac, l’abbé Bellet lors des vendanges de 1718 (doc 5)

     

    2022 Le Sauternais, grandeur et déclin d'un noyau d'élite

    Doc 5 : Les vendanges de 1718 extrait du journal de l’abbé Bellet

    Un vignoble marchand

    L’émergence de ce noyau d’élite est ainsi à mettre en relation avec l’arrivée des marchands hollandais sur la place des vins du Bordelais. Les marchands de anglais accaparent les régions productrices de claret proches du port de la Lune, ces nouveaux venus sont donc partis à la recherche de nouveaux territoires où ils suscitèrent la production de vins blancs doux pour l’approvisionnement de leurs marchés du nord de l’Europe et des pays rhénans ou pour satisfaire la demande en eau de vie des convois de marchands qui trafiquent avec les Indes néerlandaises. La région de la confluence du Ciron avec la Garonne leur apparut favorable à ce type de vins blancs et leur demande fut incontestablement facteur de développement du vignoble dans cette région du Bordelais. Le vignoble des vins blancs du Sud-Gironde apparaît donc comme le fruit non seulement d’un milieu naturel favorable mais aussi et surtout comme celui d’une gouvernance marchande, même si celle-ci est largement tempérée par l’action du pouvoir royal et des jurats de Bordeaux, génératrice des « privilèges de Bordeaux ».

    Comme ensemble du vignoble de la sénéchaussée de Bordeaux à l’époque, le vignoble du Sud-Gironde est alors un vignoble marchand avec un véritable contrôle territorial par ses derniers.

    Pour lire la suite de l'histoire de ce noyau d'élite

    Télécharger « 2021 Grandeur déclin noyau Sud33.pdf »

     


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