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2023 L’identité perdue du vignoble de Saint-Macaire au 20e siècle
L’identité perdue du vignoble de Saint-Macaire au 20e siècle
JC Hinnewinkel, Géographe, Université Bordeaux – Montaigne CERVIN / Siriona rives de Garonne Communications présentée au 19e Colloque du CLEM, L’Entre-deux-Mers et son identité,le 22 octobre 2023 à Saint-Macaire.
Le vignoble de Saint-Macaire est un des vieux vignobles de côtes du Bordelai s, en rive droite de la Garonne, en face du Sauternais.Avec Sandrine Lavaud nous y avons suivi la construction du terroir viticole de Macaire sous l’ancien régime[i]. Aux lendemains de la période révolutionnaire et la disparition des «privilèges des vins de Bordeaux », les vins de Saint-Macaire sont principalement des vins rouges corsés et colorés appréciés des consommateurs anglais comme « New French Claret ». Une bonne partie provient des palus. Tout au long du 19ième siècle, ils sont commercialisés comme les vins des côtes de Bourg et de Blaye, à un niveau à peine inférieur à celui des Côtes de Bordeaux actuelles. Et jusqu’à la fin du 19e siècle les ateliers de tonnellerie étaient un des points forts de l’activité macarienne.
Fig. 1- Le territoire de Saint-Macaire, de l’ancienne juridiction à l’aire A.O.P.
1 Les vins de Saint-Macaire au 20e siècle
L’histoire des vins du pays de Saint-Macaire au cours du siècle dernier pet être résumée assez aisément, avec une alternance de courtes périodes de prospérité et de longues périodes de difficultés sinon de crise.
1.1 Le vignoble au tournant du siècle : une reconversion vers les vins blancs[i]
En 1900, lors de la 1ère campagne de déclaration de récoltes obligatoires, les 600 viticulteurs du canton produisent tous du rouge et seulement la moitié du blanc. C’est donc un vignoble de vin rouge qui fait face aux crises de la deuxième moitié du 19e siècle, oïdium, black rot et surtout phylloxera. Toutefois sur les coteaux, du côté de Sainte-Croix-du-Mont et Verdelais, au contact des futures Premières Côtes de Bordeaux, les producteurs de vins blancs liquoreux sont nombreux.
La « Reconstitution des vignobles » rendue indispensable par les ravages du phylloxera se traduit par l’émergence d’un nouveau vignoble, avec des exploitations souvent agrandies et modernisées, ce qui entraine une forte surproduction, et avec elle, une mévente des vins rouges commercialisés entre 250 et 400 frs quand, dans le sud des Graves, ils le sont à 600 frs, et près de Bordeaux, à 900 frs au minimum. Ainsi avec le 20e siècle commence une succession de longues crises encadrant de courtes périodes de prospérité.
La demande des pays nordiques favorisent alors une reconversion assez rapide vers les vins blancs de qualité produits à partir de cépages sémillon, muscadelle et sauvignon. En 1920, avec 58 975 hl contre 38 039 hl pour les vins blancs, les vins rouges sont encore majoritaires mais ils l’emportent surtout sur les terres alluviales des communes riveraines de la Garonne. Sur les coteaux les vins blancs dominent le plus souvent.
1.2 Années 20 – 30, affirmation d’un terroir de vins blancs
Cette reconversion du début 20e se traduit ainsi par l’essor des vins blancs moelleux. En 1924, sur 1640 déclarants, 1000 font du blanc et 1000 du rouge, 350 seulement du rouge, 160 seulement du blanc. Surtout, les vins blancs sont issus de « cépages nobles » alors que les vins rouges sont produits par des cépages hybrides qui ne seront pas reconnus pour les futurs vins d’appellation. C’est donc tout naturellement pour défendre leurs intérêts et leurs vins blancs que les viticulteurs des dix communes de la région de Saint-Macaire non incluses dans le Syndicat de la Grande Côte de Bordeaux lors de sa création en 1926, se regroupent en un syndicat viticole qui, en 1929, définit les règles de ce qui deviendra lors du décret-loi du 30 juillet 1935 l’appellation « Côtes-de-Bordeaux-Saint-Macaire ».
Seuls les vins blancs de la région étant reconnus par le négoce comme des vins de qualité, cette appellation est alors réservée aux vins blancs. Cela se traduit donc à la veille et au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale par une progression spectaculaire des vins blancs A.O.C. En 1969, ils représentent près des deux-tiers de la production de l’aire contre seulement un septième pour les vins rouges A.O.C. d’appellation Bordeaux ou Bordeaux-Supérieur. Le terroir des « clarets » de Saint-Macaire, déjà bien identifié en 1647 est reconverti en terroir de vins moelleux.
Dès 1931, face à la crise économique qui perdure, les vignerons du Syndicat des Côtes supérieures de Bordeaux-Saint-Macaire créent une « la coopération de la misère », la coopérative du syndicat des Côtes supérieures de Bordeaux-Saint-Macaire pour porter la demande d’un terroir « Côtes de Bordeaux –Saint-Macaire ». La cave de Saint-Pierre d’Aurillac est installée dans les anciens locaux d’un négociant avec comme mission non seulement de produire des vins de qualité grâce à un équipement adapté, plus efficient que les cuviers des petits producteurs mais aussi d’assurer le commercialisation en remplacement d’un négoce jugé défaillant. En 1938 celle-ci regroupe 180 vignerons. Elle est alors entièrement spécialisée dans les vins blancs, produisant de 500hl à 1300 hl selon les années.
Fig. 2 - les Côtes de Bordeaux Saint-Macaire au lendemain des décrets AOC, atlas Larmat, 1943
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[i] Hinnewinkel Jean-Claude, Territorialité viticole et gouvernance, Les vignobles de vins blancs du Sud-Gironde in Liquoreux d'Aquitaine et d'ailleurs : Enjeux patrimoniaux, Usages et notoriété des vins, sous la direction de L.Jalabert et S.Lachaud, éditions Cairn, 2023
[i]Lavaud Sandrine, Les dynamiques du vignoble de Saint-Macaire à la fin du Moyen Âge, 19e colloque l’Entre-deux-Mers et son identité, Saint-Macaire, 2023
Tags : Vignoble de Bordeaux, terroir, géo-terroir, crise des vins de Bordeaux
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