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2004 Du terroir au territoire
Du terroir au territoire : le sens politique et social de la fragmentation géographique des vignobles
From « terroir » to territory : wine geographical division can be political and social as well
Communication présentée par Jean-Claude Hinnewinkel et Hélène Vélasco à la journée « géographie sociale » organisée par G. Di Méo pour l’Association des Géographes français, Paris, juillet 2003, BAGF, 2-2004, juin
Résumé : A partir de l’exemple bordelais logiques de fragmentation des vignobles apparaissent beaucoup plus relever du domaine social que de celui de l’environnement naturel. Les terroirs de production des vins de qualité sont plus souvent délimités en fonction de l’organisation des producteurs que suivant les injonctions des données pédologiques pourtant largement mises en avant. Cela tient largement aux conditions qui ont présidées à la mise en place des zones d’appellation d’origine contrôlée. Mais, aujourd’hui encore, dans un vignoble en pleine mutation comme celui de Cahors, le primat du naturel sur le social paraît bien être un argument « scientifique » qui masque des choix politiques et sociaux
The exemple of Bordeaux region shows that the mechanism of wine geographical division seems more to be linked to social than natural aspects. The division between “terroirs” of quality wine production depends more often on the wine grower organisation than on soil criteria that are still largely put forward. It can largely be explained with the setting up conditions of appellation areas. In a very changing wine area such as the Cahors region, natural aspect still prevail on social aspects, which appears like a “scientific” explanation that hides political and social decisions
Mots clés : vignoble, terroir, territoire, fragmentation, organisation, Bordeaux, Cahors
Vineyard, « terroir », territory, division, organisation, Bordeaux, Cahors
Le terroir, dans son sens le plus large, soit un espace de production géré par un groupement de producteurs, est un concept français aujourd’hui largement adopté par la plupart des pays agricoles européens. Il est l’un des fondements des Appellations d’Origine Contrôlée (AOC) et une alternative à l’agriculture industrielle. Répondant à cette logique de terroir, les grands vignobles français se distinguent de la plupart de leurs homologues étrangers par une formidable fragmentation géographique avec, au sein de chaque vignoble, une multitude d’appellations. On en relève une centaine en Bourgogne pour quelques 30 000 ha de vignes et encore 52 en Bordelais pour près de 120 000 ha de vignes il est vrai. Hors de notre pays, seule l’Italie, avec la Toscane offre une fragmentation comparable.
Pour expliquer ce phénomène, il est généralement fait appel au terroir, alors pris dans son sens agronomique soit une unité naturelle élémentaire homogène produisant un vin spécifique. La diversité des terroirs justifie la diversité des appellations qui toutes produiraient des vins non reproductibles.
Ce rapport entre terroir et typicité, deux termes aux définitions peu explicitées et au combien subjectives et qui aujourd’hui apparaissent comme « aller de soi », cache les processus de la construction, du développement et de l’engouement contemporain pour ces deux notions. En effet, terroir et typicité n’ont de sens que dans un contexte culturel et idéologique particulier. Ils ne sont l’un et l’autre (et les rapports intimes entre les deux) que l’aboutissement de processus de constructions sociales et politiques inscrites dans le temps et possédant de ce fait une histoire. Notre propos, plus que mesurer l’adéquation entre terroir et typicité, est de souligner le poids des organisations sociales dans la construction puis la durabilité des terroirs. Nous nous attacherons donc surtout à analyser les processus de construction de la notion de terroir (celle de typicité émergeant par ricochet en quelque sorte). Pour cela nos terrains d’expérimentation seront le vignoble bordelais et le vignoble cadurcien. La pertinence de ce choix réside dans le fait que le premier est un vignoble reconnu institutionnellement et dont la légitimité ne fait pas de doutes et que le second est un vignoble en construction qui aujourd’hui, s’invente des origines et cherche des terroirs légitimes.
Pour lire l'article paru au BAGF : https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2004_num_81_2_2384
Tags : vignoble, terroir, territoire, fragmentation, organisation, Bordeaux, Cahors
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