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Comprendre un phénomène en cours…
Analyse géographique et géohistoire
Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de Géographie, ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé)- UMR CNRS 5185, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, et CERVIN
In Essai géographique sur la crise du Bordeaux, JClaude Hinnewinkel, Nathalie Corade et Hélène Vélasco, Bordeaux, MSHAquitaine, 2015, 247 p.
Depuis le début du XXIe siècle, le vignoble bordelais connaît, comme de nombreux vignobles européens, une crise que beaucoup jugent plus grave que les précédentes car plus structurelle que conjoncturelle. Comprendre cette crise impose donc de faire la part des deux grandes familles de causalités pour essayer d’apprécier ce qui, sur la flèche du temps, a changé pour mettre en péril les fondements d’un vignoble plus que millénaire et jusqu’alors au firmament des vignobles mondiaux. Les ouvrages décrivant la profonde crise économique que traverse le vignoble bordelais sont nombreux et loin de nous l’idée de les reprendre. Notre ambition, ici, est d’en proposer une analyse géographique (document 1).
Document 1 - Une analyse géographique
Une fois celle-ci réalisée, nous nous sommes appelés à replacer ce vignoble dans sa dimension géohistorique (document 2), en cherchant les causes de son extraordinaire longévité (près d’un millénaire) par-delà les crises qui n’ont entaché ni son prestige ni son image de référence mondiale.
Document 2 - Géographie historique et géohistoire
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Les vignobles d’Aquitaine, entre gestion et construction des terroirs
Nicolas Boivin, ATER de Géographie, Université de Bourgogne
Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de Géographie, ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé)- UMR CNRS 5185, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, et CERVIN
Cet article est l'épilogue de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
Première région française productrice de VQPRD avec 130 600 hectares de vignes, l’Aquitaine fournit en moyenne huit millions d’hectolitres de vins d’appellations soit un peu moins du tiers de la production française, premier producteur mondial. L’Aquitaine peut-elle être qualifiée de territoire vitivinicole associant infrastructures géographique, historique et économique bien marquée par le vin à une superstructure idéologique et politique qu’elle conforte en retour ? Est-elle pour autant un grand terroir viticole plus que toute autre région occitane ?
L’ambition identitaire vitivinicole de l’Aquitaine
La question régionale dans le monde vitivinicole en Aquitaine est posée avec la création du Conseil Régional des Vins d’Aquitaine en 1993 au cours d’une période euphorique sur le plan vitivinicole. L’idée est venue du Conseil Régional qui souhaitait disposer d’un interlocuteur régional. En face, les syndicats de défense des appellations et les interprofessions ne voyaient pas d’un mauvais œil la création d’un organisme au sein duquel ils se retrouveraient pour définir une stratégie commune.
A son arrivée à la présidence régionale en 1999, Alain Rousset conscient de la place symbolique et du poids économique de la vigne en Aquitaine souhaite renforcer cette structure qui jusqu’alors avait peu fonctionné et nomme un animateur. Celui-ci n’est autre que Pierre Cambar qui fut pendant dix ans le directeur du Syndicat des bordeaux et bordeaux supérieur et qui de 2000 à 2008 tente de structurer la filière vitivinicole régionale.
Cette association Loi 1901 de nature interprofessionnelle a alors pour objectif d’assurer un rôle d’information et d’animation de la filière vitivinicole dans les domaines économiques et réglementaires ainsi que sur les actions conduites par la Région dans ce secteur. Elle répond aux vœux de la nouvelle équipe dirigée par Alain Rousset qui souhaite voir la Région prendre toute sa place dans la dynamique vitivinicole, dans le droit fil des propositions de l’Association des Régions Européennes Viticoles.
L’AREV est elle aussi une association regroupant plus de cinquante régions de l’Union Européenne, fondée en 1988 et qui réunit, au même niveau, le Collège régional (représentants politiques et administratifs des régions associées) et le Collège Professionnel (représentant des organisations interprofessionnelles) pour défendre et promouvoir les régions viticoles européennes, leur spécificité et la diversité qui les caractérisent. C’est une organisation tournée vers la concertation interrégionale et la représentation auprès des principales instances de décision ou de négociation. C’est un bel exemple de regroupement d’acteurs privés et publics pour défendre et promouvoir les espaces vitivinicoles.
[1] Boivin Nicolas,
Le bassin de production « Aquitaine », la captation du nom d’un ensemble par une partie ![1]
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[1] Epilogue de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
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Les terroirs aquitains au début du 21e siècle
Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de Géographie, ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé)- UMR CNRS 5185, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, et CERVIN
Cet article est la conclusion de la première partie de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
Ils sont portés par l’oenotourisme. Le tourisme vitivinicole n’est pas une nouveauté mais avec sa « Route des vins » inaugurée en 1953, l’Alsace fait certes figure de pionnière et ailleurs l’exemple ne fut repris que récemment. Les « routes du vin » sont des produits touristiques proposés depuis de nombreuses années par les syndicats d’initiatives et autres offices de tourisme. Mais si les « petits » vignobles, ceux qui par leur superficie ou leur renommée furent souvent prompts à accueillir les visiteurs en acceptant les contraintes inhérentes, les « grands » vignobles, ceux dont la renommée liée à leur envergure leur assurait des débouchés sans problème répondaient prudemment sinon parcimonieusement aux sollicitations des organisateurs de découvertes des vignobles.
1 – L’essor récent des routes du vin
L’exemple des vignobles du « Nouveau Monde viticole » où les wineries de type californiennes comme les bodegas de type chiliennes sont dès l’origine conçue comme des lieux d’accueil avec salles de réception, de dégustation, de restauration et bien sûr de vente fut un premier facteur de changement. Alors que dans ces pays « nouveaux producteurs » la découverte des vignobles est systématiquement proposée aux touristes, il a fallu attendre les premières années du siècle pour voir le tourisme vitivinicole français prendre de l’ampleur. Certes les « grands » des vignobles français avaient depuis longtemps appliqué des méthodes similaires et l’exemple de Mouton-Rothschild à Pauillac est là pour le rappeler. Mais la plupart des châteaux bordelais de renom restaient inaccessibles pour le visiteur ordinaire. La crise que connurent même les grands vignobles européens au lendemain des années 2000 fut, semble-t-il, l’étincelle qui déclencha l’explosion, pacifique, de l’oenotourisme. Depuis les agences de tourisme en relation avec les professionnels du vin rivalisent d’ingéniosité pour structurer une offre éclatée, complexe et manquant de lisibilité pour attirer les visiteurs potentiels. Dans chaque vignoble, des acteurs d’origine et de cultures différentes se regroupent pour construire une véritable vitrine du ou des terroirs qui le compose.
Le 26 juin 2003, lors du salon Vinexpo, la CNAOC, l’INAO et le Syndicat général de l’AOC Corbières ont porté sur les fonts baptismaux et en présence d'une cinquantaine de représentants des syndicats d’Appellations ou interprofessions viticoles, d’organisations institutionnelles et touristiques, la Fédération Nationale du Tourisme de Terroir[2] : « Cette fédération a pour vocation de protéger et de promouvoir, au plan national, le concept de terroir touristique d’Appellation d’Origine dont la culture du vin est l'une des plus brillantes expressions ».
L’ « oenotourisme »[1], au cœur d’un système d’interrelations entre infrastructure et superperstructure
[1] Dubrulle P., L’oenotourisme : une valorisation des produits et du patrimoine vitivinicoles, Rapport à la demande du ministre de l’agriculture et de la pêche et du ministre délégué au tourisme, mars 2007, http://www.tourisme.gouv.fr/fr/actualites/att00016126/oenotourisme.pdf
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[2] Les Membres Fondateurs : La Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vins à Appellation d’Origine Contrôlée (CNAOC), l’Institut National des Appellations d'Origine Contrôlée (INAO), le Syndicat général de l’AOC Corbières, Syndicat de l’AOC Cabardès, Syndicat du cru Faugères , Syndicat du cru Minervois, Syndicat du cru Saint-Chinian, Syndicat des vins d’AOC de Limoux, Fédération des Grands Vins de Bordeaux, Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieurs, Conseil Régional des Vins d’Aquitaine, Pays Beaujolais, Syndicat général des vignerons de la Champagne, Fédération Viticole de l’Anjou, Fédération régionale du Sud-ouest, Fédération des Unions viticoles du Centre, Conseil interprofessionnel des vins de la Région de Bergerac, Compagnons des Côtes du Rhône, Syndicat général des Côtes du Rhône, Inter-Rhône, Comité Interprofessionnel des Vins de Provence, Charte intercommunale des Coteaux de l'Orb et du Vernazobres, Réseau associatif des Villes du Vin (RAVIVIN), Fédération Nationale des Gîtes de France et l’ Association Nationale des Elus de la Vigne et du Vin (ANEV).
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La construction du terroir
ou la nécessité d’un leader
Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de Géographie, ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé)- UMR CNRS 5185, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, et CERVIN
Cet article est le conclusion de la seconde partie de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p
L’ensemble des contributions corrobore la première partie de l’ouvrage en soulignant combien les territoires viticoles aquitains apparaissent comme des constructions sociales complexes, dans le temps long. Il souligne aussi combien ces territoires sont générateurs d’une identité forte et porteuse, mais suffisamment malléable pour s’adapter aux aléas et mutations du marché. Ces constructions territoriales sont fortement dépendantes de conditions « géopolitiques » internationales et régionales avec, comme constante, la nécessité d’un échelon organisateur intermédiaire entre le local soit le terroir et le global soit le marché mondial. Ce fut longtemps l’ensemble du bassin aquitain structuré par le pôle de Bordeaux, rappelant ainsi que tout territoire du vin est organisé autour d’un « noyau d’élite »
La construction du terroir : la nécessité d’un pôle organisateur
Nous avons développé par ailleurs le rôle essentiel des « noyaux d’élites » dans la structuration des vignobles et de leurs terroirs[2]. Organisé lui-même aujourd’hui autour de trois pôles (carte 1), le vignoble bordelais fut très tôt un centre structurant pour toute la viticulture du bassin de la Garonne et de la Dordogne, concentrant les activités exportatrices vers l’Angleterre dans un premier temps, vers l’Europe du Nord puis le Monde dans les phases de développement ultérieures. Ainsi le bassin de production du « bordeaux » était structuré par les rivières avec son cœur permanent, le négoce bordelais, et des périphéries qui se cherchent perdura jusqu’au début du XXe siècle. Ainsi en est-il de l’Agenais qui, selon Sandrine Lavaud (chapitre 1) est demeuré enfermé dans un système normatif et juridique : « Diluée, mouvante et fragile, l’identité viticole de l’Agenais, à l’égal de celle de bien des régions du Haut Pays, a été trop contrainte pour pleinement s’épanouir et s’affirmer. Si le Moyen Âge en a fixé les principaux traits, les époques postérieures n’ont pas su les faire véritablement évoluer ; demeurés les victimes des privilèges de Bordeaux, les vignobles agenais n’ont pas réussi à s’en affranchir, tout en restant fascinés par ce modèle qu’ils rêvaient d’intégrer. Encore en 1911, lors de la délimitation régionale des aires d’appellation, l’Agenais a revendiqué, sans succès, son intégration à la zone Bordeaux ; occasion ratée de revanche sur l’histoire mais aussi aveu d’un mal d’identité ».
Les terroirs du Bordelais aujourd’hui : une structuration autour de trois noyaux d'élites
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[1] Conclusion de la seconde partie de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
[2] Voir Première partie de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.…
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La construction des terroirs aquitains aux XIXe et XXe siècles
Jean-Claude Hinnewinkel, professeur émérite de Géographie, ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé)- UMR CNRS 5185, Université Michel de Montaigne-Bordeaux3, et CERVIN
Texte constituant le chapitre 2 de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
1 – Aux sources des terroirs
L’émergence des terroirs est le fruit de cette longue histoire qui depuis le Moyen-Âge conduit à une certaine spécialisation de vignobles entiers dans une gamme de produits bien spécifiques. Il s’en suit une fragmentation de plus en plus poussée du bassin d’approvisionnement de Bordeaux, la première repérable correspondant à l’application des privilèges autour de toutes les petites villes du bassin en capacité de charger les vins de leur arrière-pays pour les acheminer par voie fluviale vers Bordeaux.
La vigne en Aquitaine au seuil du 20e siècle
Des fragmentations initiales juridiques
Les privilèges de Bordeaux n’en sont que l’exemple le plus connu en instaurant au fil des siècles des mesures discriminatoires contre les vins du Haut Pays. Celles-ci ne se limitèrent pas à l’opposition « Haut Pays – Sénéchaussée privilégiée ». Entre ces deux entités fut en effet institué un pays dit de « la nouvelle conquête », comprenant les vignobles actuels de l’est de l’Entre-deux-Mers, du pays foyen et des Côtes de Castillon en Gironde, mais aussi les vignobles de Duras et de Montravel, avec des avantages fiscaux et la possibilité de faire descendre leurs vins vers le port de Bordeaux à partir de la Saint-Martin, soit le 11 novembre. Ils gagnaient ainsi près d’un mois et demi sur leurs rivaux plus taxés du Haut Pays [2]. Ce système de protection d’une zone directe d’influence autour de Bordeaux, port d’embarquement pour l’Angleterre, les historiens le retrouvent, grâce aux archives, autour de toutes les cités du bassin en capacité de regrouper les vins de leur arrière-pays pour les expédier à Bordeaux, soit toutes celles qui sont implantées sur les rives de la Garonne, de la Dordogne, du Lot, du Tarn et de leurs affluents.
Cette fragmentation initiale fut accrue à partir du XVIe siècle par à une première diversification de la demande.
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[1] Texte constituant le chapitre 2 de Vignobles et vins d’Aquitaine, images et identités d’hier à aujourd’hui, JC Hinnewinkel et S. Lavaud (dir.), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux, 2009, 392 p.
[2] Bernard Larrieu, Vins d’Entre-deux-mers et privilèges des vins de Bordeaux au XVIIIe siècle, in L’Entre-deux-mers à la recherche de son identité, Actes du Premier Colloque tenu en Pays de Branne, AHPB et CLEM, 1988, p.175-197
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