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J.C. Hinnewinkel, MCF de géographie, CERVIN – Bordeaux3
Communication présentée au séminaire des Géographes ruralistes français, Reims, 2001
Le coteau de Sainte-Croix-du-Mont, haut lieu des vignobles de vin blanc
Alors que dans la plupart des grands vignobles du nord et de l’est de la France, le terroir agronomique fut très tôt, souvent dès la mise en place des appellations d’origine contrôlée, un élément de délimitation considéré comme indiscutable, dans l’Aquitaine et tout particulièrement dans le Bordelais, sa prise en compte s’est longtemps limitée à l’exclusion des terres de palus. En caricaturant à peine, furent alors retenues dans les délimitations toutes les terres susceptibles de produire du vin « de qualité », c’est à dire celles où un minimum de stress hydrique estival permet le nécessaire arrêt de la végétation indispensable à une bonne maturation des raisins.
La diversité des terroirs était pourtant largement prise en compte dans le passé comme en témoignent les annuaires du 19ème siècle et notamment le plus célèbre d’entre-eux, Féret. C'est ce que montrent les annuaires du 19e siècle en Bordelais ou en Bergeracois. Ainsi, sur les coteaux de rive droite de la Garonne en amont de Bordeaux, distingue – t-on alors (FERET, 1874) :
Fig.1 Coupe des agro terroirs des Premières côtes de Bordeaux, d’après Wilbert, 1988
-Les terroirs de palus, le long de la Garonne bien entendu, qui sont le domaine des vignes rouges généralement cultivées en joualles. A partir du malbec qui domine presque partout, elles produisent des vins « très coulants, souples, vite faits, noirs » appréciés alors à Paris et à l’exportation ; ils se négocient environ 10% en dessous des vins de côtes, car moins fins, moins corsés ; sur les « palus secs », le bourrelet alluvial, les vins deviennent « plus délicats par suite de la nature siliceuse des alluvions » et sont estimés comme les vins de côtes ; sur les palus des Queyries et de Monferrand, des cépages fins (cabernet, merlot et verdot) donnent des vins « corsés, riches en alcool, en couleur, long à se faire » et considérés comme les meilleurs vins de palus du département.
-La « haute plaine », en fait la terrasse graveleuse qui s’étend largement sur la rive gauche et qui ici ne connaît quelque extension qu’au sud, dans le canton de Saint-Macaire et de Cadillac à Rions. Sur un sous-sol généralement calcaire, le vignoble est le plus souvent consacré aux vignes rouges à base de malbec cultivées en joualles ; les vins sont alors qualifiés d’ordinaires ou bons ordinaires, comme les vins rouges de côtes au niveau desquels ils se négocient.
-Les « côtes », terme alors utilisé au sens strict, qui sont les pentes correspondant à la retombée du plateau de l’Entre-deux-mers sur la vallée de la Garonne ou sur celles de ses principaux affluents. Il faut également leur adjoindre les premières pentes du plateau où affleurent souvent les graves. Ce sont de bons terroirs à vins blancs liquoreux.
-Les plateaux limoneux, aux terres « douces », le plus souvent consacrés aux céréales mais où se sont développées les joualles et produisant à partir de cépages médiocres des vins surtout destinés aux coupages et à la distillation.
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Jean-Claude Hinnewinkel, MCF Université Michel de Montaigne, Nordeaux3, Les dynamiques territoriales en Bazadais historique au seuil du troisième millénaire, in L’Entre-deux-mers et son identité, Actes du huitième colloque du CLEM, septembre 2001.Bordeaux, CLEM, p.239-244
En préalable à l’analyse proposée en titre, il nous faut d’abord préciser quel sens du territoire nous retenons, tant ce terme est aujourd’hui galvaudé.
De quel territoire parle-t-on ? dans quel but ?
Le territoire est-il l’ espace d’application des politiques publiques, celui de l’intervention légitime du pouvoir ?
Est-il celui de l’ aménagement concerté, du développement économique ?
Ou bien est-il espace social et espace vécu, celui des liens sociaux tissés avec l’espace, imprégné e valeurs culturelles?
Pour le géographe, le territoire « géographique » est tout à la fois, territoire complexe, lieu cumulatif des pratiques sociales, d’identité socio-culturelle, et donc d’ appropriation, mais aussi lieu de validité économique. Dans notre société où les rapports sociaux de plus en plus éclatés des individus rendent difficile la délimitation de tels territoires, c’est un « idéal-type » vers lequel doivent tendre efforts de tous pour bon fonctionnement de nos démocraties.
Y parvenir implique le respect de quelques principes : associer communes urbaines et communes rurales… ne pas dissocier riches et pauvres et au contraire renforcer les solidarités… ne pas enfermer les nouveaux territoires dans des limites administratives préexistantes… être attentif aux frémissements économiques, culturels et associatifs…
Dans cette quête, trois niveaux se dessinent:
-le bassin de vie quotidienne (école, hôpital, poste, commerces de proximité…). Il peut correspondre à la communautés de communes ; de taille humaine, proche des citoyens, de dimension approximativement cantonale en zone rurale, il correspond à un bourg et sa zone d’influence directe ce qui lui assure cohérence politique, sociale, fonctionnelle.
-le bassin d’emploi , articulé sur un pôle de rang supérieur (généralement plus de 10 000 hab.), renvoie aux actuelles zones d’emploi dont le découpage est souvent peu adapté aux césures de l’espace fonctionnel. De la taille des arrondissements qui malheureusement ne leur correspondent pas, ils reposent sur les migrations domicile-travail. Ce serait sans doute une bonne échelle pour des pays, conçus comme espace de projet, regroupant plusieurs bassins de vie. Zone d’influence d’une ville moyenne, il est suffisamment vaste pour aborder les questions économiques mais aussi environnementales…
-le bassin de peuplement correspond à un espace dynamique du point de vue démographique depuis 40 ans ; il est généralement situé le long des littoraux et des fleuves. On en recense cinq en France dont celui axé sur la Garonne de Toulouse à Bordeaux.
Ces trois échelles d’analyse peuvent définir des territoires emboîtés ou non, avec ou sans superposition, la mobilité favorisant dans nos sociétés contemporaines la multi territorialité. Notre attention se portera ici sur les deux premières, ayant choisi comme cadre d’observation la « Bazadais historique »(fig.1), soit l’ancien évèché de Bazas, pour lequel il nous faut fournir quelques clés de lecture.
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Rapport d’expertise réalisé pour l’INAO par le CERVIN dans le cadre de la commission d’enquête sur la demande de l’ancienne commune de Monbadon (réunie en 1989 à Puisseguin) d’intégrer l’appellation Puisseguin-Saint-Emilion. L’expertise du Cervin s’est tout particulièrement appuyée sur le mémoire de maitrise de géographie d’Alexandre Grelier, Territorialités à Puisseguin et Monbadon, fusions de communes, A.O.C. viticoles et représentations
- De vieilles relations… entre « Libournais » et « Périgord »
- Jusqu’au 17ème siècle, Pusseguin et Monbadon appartienne à même châtellenie de Puynormand dont constituent l’extrémité orientale = même espace régional « défensif ». Châtellenie de Puynormand = à peu près les actuels satellites de Saint-Emilion.
- Châtellenie de Puynormand démantelée au cours du 17ème siècle, donnant dès lors la primauté à la paroisse comme référence dans la gestion de l’espace. Le 27.10 1602 la châtellenie est vendue en plusieurs lots et Monbadon aborde une longue période d’indépendance vis à vis de Puisseguin : par alliance elle échue par la suite à la famille Lafaurie, propriétaire du lambeau de terre « inclus » dans l’espace Puisseguin.
- A la Révolution la paroisse devient commune mais sa géographie peu fonctionnelle (Lafaurie !) est vite remise en cause et des « conflits » l’opposent à Puisseguin :
- En 1802, Monbadon (300 h.) est promue chef-lieu de succursale religieuse (statut de chapelle vicariale) à place de Puisseguin (1000 h.)… indignation de Puisseguin qui ne retrouva son rang qu’en 1825
- En 1868, réclamation des habitants de Lafaurie et Bernon pour des problèmes de Puisseguin approuve
- 1933, nouvelle pétition des deux hameaux déjà desservis par poste et ligne électrique de Puisseguin. Monbadon propose alors échange contre Laplagne (dont enfants vont à école de Monbadon), Guillambon et château Guibeau (dont sépulture sont à Monbadon. Refus de Puisseguin
- Loi Marcellin de juillet 1971 : commission propose la fusion de Monbadon – Francs – Saint-Cibard. Monbadon refuse et suggère « Puisseguin » (8 juin 1972)
- La fusion et ses retombées : 1989 – 2001 Elle apparaît comme une des conséquences des problèmes de l’école de Monbadon. Perspective de fermeture d’une classe Þ groupement pédagogique étudié à « est » avec Francs, Saint-Cibard, Tayac, Saint-Philippe… Echecs en 77 puis 84… Alors en 1987, se tourne vers Puisseguin = refus. Ecole de Monbadon ferme en septembre 1987. Service public à Monbadon = seule mairie Þ janvier 1988 : négociation avec Puisseguin pour fusion. Contrepartie évoquée… appellation…
Fin 18ème - début 19ème siècle : deux territoires peu viticoles
A la fin du 18ème siècle, la carte de Belleyme (doc1) donne l’image de deux paroisses assez peu viticoles, tout au moins si on les compare à celle de Montagne ou surtout aux paroisses alignées le long de la retombée du plateau sur la vallée de la Dordogne, Saint-Christophe des Bardes, Saint-Etienne de Lisse, Sainte-Colombe ou encore Bèlvès.
De vieilles relations… entre « Libournais » et « Périgord »
- Jusqu’au 17ème siècle, Pusseguin et Monbadon appartienne à même châtellenie de Puynormand dont constituent l’extrémité orientale = même espace régional « défensif ». Châtellenie de Puynormand = à peu près les actuels satellites de Saint-Emilion.
- Châtellenie de Puynormand démantelée au cours du 17ème siècle, donnant dès lors la primauté à la paroisse comme référence dans la gestion de l’espace. Le 27.10 1602 la châtellenie est vendue en plusieurs lots et Monbadon aborde une longue période d’indépendance vis à vis de Puisseguin : par alliance elle échue par la suite à la famille Lafaurie, propriétaire du lambeau de terre « inclus » dans l’espace Puisseguin.
- A la Révolution la paroisse devient commune mais sa géographie peu fonctionnelle (Lafaurie !) est vite remise en cause et des « conflits » l’opposent à Puisseguin :
- En 1802, Monbadon (300 h.) est promue chef-lieu de succursale religieuse (statut de chapelle vicariale) à place de Puisseguin (1000 h.)… indignation de Puisseguin qui ne retrouva son rang qu’en 1825
- En 1868, réclamation des habitants de Lafaurie et Bernon pour des problèmes de Puisseguin approuve
- 1933, nouvelle pétition des deux hameaux déjà desservis par poste et ligne électrique de Puisseguin. Monbadon propose alors échange contre Laplagne (dont enfants vont à école de Monbadon), Guillambon et château Guibeau (dont sépulture sont à Monbadon. Refus de Puisseguin
- Loi Marcellin de juillet 1971 : commission propose la fusion de Monbadon – Francs – Saint-Cibard. Monbadon refuse et suggère « Puisseguin » (8 juin 1972)
- La fusion et ses retombées : 1989 – 2001 Elle apparaît comme une des conséquences des problèmes de l’école de Monbadon. Perspective de fermeture d’une classe Þ groupement pédagogique étudié à « est » avec Francs, Saint-Cibard, Tayac, Saint-Philippe… Echecs en 77 puis 84… Alors en 1987, se tourne vers Puisseguin = refus. Ecole de Monbadon ferme en septembre 1987. Service public à Monbadon = seule mairie Þ janvier 1988 : négociation avec Puisseguin pour fusion. Contrepartie évoquée… appellation…
Fin 18ème - début 19ème siècle : deux territoires peu viticoles
A la fin du 18ème siècle, la carte de Belleyme (doc1) donne l’image de deux paroisses assez peu viticoles, tout au moins si on les compare à celle de Montagne ou surtout aux paroisses alignées le long de la retombée du plateau sur la vallée de la Dordogne, Saint-Christophe des Bardes, Saint-Etienne de Lisse, Sainte-Colombe ou encore Bèlvès.
La vigne apparaît alors concentrée dans quelques noyaux viticoles, principalement dans le sud de la paroisse de Puisseguin et, à cheval sur les deux paroisses, du hameau de La Fourvieille au bourg de Monbadon. « Les produits de ce vignoble étaient à cette époque essentiellement réservés à l’autoconsommation. Le commerce de ces vins était peu répandu, il était réservé aux plus gros propriétaires, c’est à dire aux seigneurs et aux nobles. Là aussi, l’état des voies de communications joua un rôle défavorable. Le peu de vin commercialisé était acheminé aux pires difficultés (charrettes souvent embourbées sur des chemins vicinaux gorgés d’eau…) vers le port de Castillon-la-Bataille où il était embarqué sur des bateaux descendant la Dordogne jusqu’à Libourne »[1]
Toutefois, pour un observateur de l’époque, « les principales productions et denrées sont le blé froment et le vin, mais plus abondantes en vin qu’en blé »[2]
Cette vision est assez largement confirmée pour le début du 19ème par les données extraites des premiers cadastres napoléoniens. Les cartes de l’occupation du sol dans les communes de Monbadon (doc. 2) et de Puisseguin (doc. 3) sont encore, il y a un peu moins de deux siècles, celles de communes assez peu viticoles. La vigne y apparaît toutefois plus dispersée que sur la carte de Belleyme. Il faut sans doute y voir les effets d’un changement d’échelle avec une précision beaucoup plus grande sur les cadastres ; peut-être aussi ceux de la Révolution française… Les vignes et joualles représentent alors moins du tiers des espaces cultivés contre près des deux tiers pour les cultures céralières à Puisseguin, comme à Monbadon. Et ces données doivent être corrigées par la grande part des joualles qui sont autant céréalières que viticoles. Or elles représentent 41% des 281 ha plantés en vignes à Puisseguin en 1832 et 47% des 136 ha à Monbadon.
[1] Hélène Brun, Puisseguin en quête de son passé, CERVIN, sans date
[2]Jérôme Deluze, curé de la paroisse de Puisseguin, mai 1778, in Abbé Baurein, bibliothèque municipale de Bordeaux, ms 737
Les dynamiques de l'espace communal
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In Anthropology of Food, Wine and Globalization/Vin et mondialisation, [En ligne], mis en ligne le 1 décembre 2004. URL : http://aof.revues.org/document247.html. Consulté le 23 juillet 2007
Jean-Claude Hinnewinkel
Résumé
Fruit du conflit plusieurs fois séculaire entre les producteurs et le négoce, le terroir vitivinicole est né de phénomènes de « distinction » qui en Bordelais donnent les « crus ». Ces terroirs de production identifiés, il fallut les faire durer, face à conjoncture, face au négoce. Les réussites les plus nettes sont le résultat d’un projet collectif dont l’AOC à la française est l’une des plus spectaculaires. Renforcer le terroir, compris comme un espace de production géré par les producteurs, devient alors une des conditions essentielles de la durabilité du système. L’avenir des AOC réside sans doute dans une meilleure gestion du conflit négoce/production par l’interprofession mais aussi (surtout !) dans un renforcement de la gestion de la production au sein de l’aire de production qu’est le terroir. L’avenir du terroir relève de la gouvernance de cette aire de production avec trois partenaires : la puissance publique (INAO), l’interprofession et le syndicat des producteurs. Se pose dès lors la question du partage des compétences et la durabilité des AOC paraît liée en grande partie à une définition claire du rôle et donc du statut des syndicats de producteurs, à une véritable gouvernance locale, seule capable de donner du sens à l’ancrage géographique des vins dits de « terroir ». Mais alors ne faut-il pas impliquer un troisième partenaire, la société locale toute entière à travers ses représentations démocratique et associative ?
Abstract
Resulting from century-long conflicts between producers and merchants, vineyards have developped out of "distinction" phenomenons which in the Bordeaux region gave birth to "crus" (vintages). Such identified terroirs had to be defended: the French collective AOC (Denomination of Origin) project is one of the most spectacular success. The terroir, as production territory organized by producers, is one of the essential conditions for sustainability. The future of the AOC system depends on a better management of the conflict between production and trade but mostly by the strenghtening of production management in each production area, involving three partners: the public body (INAO, National Institute for Appellations of Origin), interprofesionnal bodies, and wine makers unions. The problem is an efficient task sharing; the sustainability of the AOC system is linked to a clear definition of the role of wine makers unions and a real local control capable of giving significance to the geographical origin of so-called "terroir" wines. Yet a thrird protagonist should be called upon, the civil society through democratic and associative representations.
Plan
La production du vin, une activité complexe
L’AOC vitivinicole, un système né du conflit multi-séculaire entre vignoble et négoce…
L’AOC, un système géographique; le fonctionnement du terroir : une action collective
Renforcer le terroir pour assurer l’avenir de vins géographiques
L’AOC, une alternative à la standardisation
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Entre tradition et innovation, entre spéculation et plaisir,
Quel(s) bordeaux au 3ème millénaire ?
Jean-Claude Hinnewinkel[1], Entre tradition et innovation, entre spéculation et plaisir, quel(s) bordeaux au 3ème millénaire ? Communication au deuxième colloque de l’Association Internationale de la Vigne et du Vin, Porto septembre 2001, publié in Estudos & Documentos, Porto, 2002.
« Bordeaux paradoxe »[2] : alors que les prix de vente des grands crus bordelais en primeur pour le millésime 2000 flambent, « ce sont les petits qui trinquent ». Pour les quelques 300 crus qui comptent aujourd’hui sur le marché, c’est en effet l’euphorie avec des hausses pouvant atteindre plus 30%. Par contre « ceux qui passent par les négociants, vendent 900 litres de blanc à 2000 francs et le rouge entre 6000 et 6200 francs, ils ont toutes les peines du monde à rentrer dans leurs frais… Pour les bordeaux de base de bonne qualité à 7 ou 8 francs la bouteille, c’est vraiment très dur face à des noms qui vendent entre 300 et 800 francs leur 75 centilitres»[3]
Cette situation n’est pas vraiment nouvelle en Bordelais, même si les écarts n’ont sans doute jamais été aussi grands, et posent de manière de plus en plus forte la question de la gestion du vignoble bordelais au moment où tous les vignobles du Monde mettent en exergue la qualité. Certes la vogue des produits du terroir permet aux vignobles traditionnels d’Europe occidentale de valoriser encore leur rente de situation mais dans des conditions de plus en plus délicates pour les vins de la gamme intermédiaire que sont les produits génériques comme les bordeaux. Il faut alors mettre en avant la tradition quand la vinification est de plus en plus happée par une technologie, jugée par certains trop envahissante. Surgissent alors les querelles entre anciens et modernes dont Bordeaux, comme bien d’autres, est aujourd’hui le théâtre avec les « extractions extrêmes » et les vins « trop boisés » par exemple.
Il n’est pas de notre compétence de géographe d’entrer dans la discussion actuelle sur le goût du bordeaux ; les œnologues le font avec une argumentation technique que nous ne maîtrisons pas et les critiques avec un vocabulaire imagé que nous ne saurions reprendre avec pertinence. Entre traditions et innovations se pose pour nous le problème de la qualification du vin sur le marché mondial. Ce n’est pas nouveau. Comment Bordeaux l’a-t-il géré dans le passé ? Comment Bordeaux l’aborde-t-il aujourd’hui ? C’est ce que nous nous proposons d’envisager ici.Dans une première partie nous verrons qu’il a considérablement évolué depuis le « claret » cher aux rois anglais. Tradition apparaît donc aussi synonyme de d’évolution.
Dans une seconde partie, nous constaterons qu’aujourd’hui il est plutôt rouge, mais avec une gamme extraordinairement variée pour ne pas dire complexe même aux yeux de connaisseurs, alliant le meilleur et peut-être le moins bon (je n’ose dire le pire !)
De cette complexité ressort la perplexité de bien des consommateurs et les difficultés de gestion d’un ensemble hétérogène. Quelles doivent être alors les caractéristiques de ses vins pour permettre au Bordelais de conserver son rang de premier vignoble de vins de qualité du Monde, pour lui permettre de conserver une personnalité, une originalité que beaucoup lui contestent et que les investissements scientifiques et financiers bordelais dans le Monde tendent à réduire ? C’est ce que nous aborderons dans notre troisième partie
[1] MCF de Géographie rurale, Université Bordeaux 3, Cervin
[2] Sud-Ouest Dimanche du 10 juin 2001
[3] Sud-Ouest Dimanche du 10 juin 2001
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